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Onzième roman, livre 18

Dag Solstad










  • Broché: 237 pages
  • Editeur : Les Editions Noir Sur Blanc (30 août 2018)
  • Collection : Notabilia
  • Langue : Français
  • Traduction (Norvégien) : Jean-Baptiste Coursaud










La sobriété de la couverture, qui met bien en valeur le titre énigmatique, est la première raison du choix de cette lecture. L’énigme est rapidement levée car annoncée en préface. Il ne s’agit pas d’un grimoire aux entrées chiffrées , ni d’un texte biblique, mais du onzième roman de l’auteur sur les dix-huit livres qu’il a écrit. 
Autre particularité, Haruki Murakami a succombé au charme de ce récit, au point d’en assurer la traduction en japonais (en partant de la version anglaise). Il y signe une préface élogieuse. 
Enfin, si Notabilia nous donne la chance de le découvrir en 2018, ce roman est paru en Norvège en 1992!

Et c’est une prose très étonnante. Le personnage principal est un quinquagénaire, qui vit seul, assurant sa subsistance grâce à son métier de percepteur à Konsberg. L’auteur nous propose trois épisodes important de ravie, son union avec celle qui fut un temps sa maitresse et pour qui il abandonna femme et enfant, l’arrivée de son fils, pas vu depuis ses quatorze ans, et qui commence ses études supérieures, et enfin un curieux challenge, orchestré avec la complicité d’un médecin pas net.

L’écriture est originale. On a l’impression d’avoir affaire à un monologue intérieur, comme on peut en être la victime lorsqu’on n’est particulièrement anxieux, de ces ratiocinations qui vous ruinent une nuit de sommeil, avec une logique et un raisonnement en boucle, qui en général ne survivent pas aux petites heures du matin. Cela confine à la logorrhée , mais ce qui pourrait être lassant se transforme en une musique et l’on est entrainé dans une ritournelle de pensée , sans pouvoir en sortir. C’est très étrange, et pas désagréable. 

Quant au parcours de ce personnage remarquable par sa banalité, il semble orchestré par une sorte de nécessité métaphysique d’autant plus puissante qu’elle échappe à tout raisonnement. Comme une souris parasitée par un toxoplasmose et qui se livre avec entrain au chat qui la dévorera.


Le talent est indéniable, et le charme opère.



Bjørn Hansen décida alors de monter à Oslo pour suivre des études universitaires. En réalité, il manifestait un intérêt marqué pour l’art et la littérature, la philosophie et le sens de la vie ; néanmoins, il choisit d’étudier l’économie. Cela parce qu’il avait toujours été doué en calcul et en mathématiques, mais aussi parce qu’une sensation diffuse lui soufflait qu’il devait s’élever dans cette vie s’il ne voulait pas échouer dans la même pauvreté que ses parents ; il voulait en tout cas échapper à ce calvaire quotidien.

*

Son père se pencha pour prendre les valises et dit : – Oui, oui. Bon, on y va. Il prit les deux valises, sans que Peter proteste. Cette absence de réaction ne manqua pas de l’étonner. Mais, dans son esprit, son fils croyait certainement qu’il porterait les valises jusqu’à la voiture, elle-même certainement stationnée devant la gare. Or quand il précisa : – Je n’ai pas pris la voiture car c’est juste à côté, son fils ne fit pas mine de prendre ne fût-ce qu’une valise et lui laissa le soin de les porter toutes les deux, du reste pas aussi lourdes qu’il l’avait cru

*

C’était le DrSchiøtz qui avait tout organisé. Bjørn Hansen était l’acteur qui effectuait ses simulations, mais sous les instructions et les interprétations convaincantes du DrSchiøtz. La mise en scène la plus importante du médecin demeurait néanmoins d’empêcher Bjørn Hansen d’entrer en contact avec des personnes susceptibles de découvrir la supercherie : d’autres médecins, par exemple, consultés en l’absence du DrSchiøtz ; des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes.



Dag Solstad est né en 1941 à Sandefjord en Norvège. Il s'inscrit dans ce courant d'écrivains norvégiens et scandinaves qui ont repris le stream of consciouness, et excelle pour sa capacité à analyser la conscience moderne. Son écriture, faite de lancinantes ritournelles, est souvent comparée à celle de Thomas Bernhard. Auteur d'une trentaine de livres, il est le seul auteur norvégien à avoir obtenu trois fois le prix de la Critique littéraire norvégienne. Il est également récipiendaire du prix de Littérature du Conseil nordique en 1989 pour Roman 1987 et en 2017, pour l'ensemble de son oeuvre, du prix nordique de l'Académie suédoise, considéré comme le " petit Nobel ". Onzième roman, livre dix-huit a été traduit dans vingt-trois langues. Son seul autre roman traduit à ce jour en français, Honte et dignité, (Les Allusifs, 2008) avait été nommé à sa sortie au prix Femina.


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