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Mon petit ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Nadège Erika 












Entre l’escalier 12 et la rue Piat, Nana, qui évoque parfois la fleur des ruisseaux que fût l’héroïne de Zola, vit une jeunesse aussi agitée et désinvolte, tourmentée cependant par les réponses qui ne viennent pas. Dans sa famille, on ne dit pas les malheurs, qu’ils soient présents ou juste occupés dans les silences qui en disent long. L’adolescence sera brève, une grossesse inopinée à dix neuf ans cèlera le destin de la jeune femme.


Dans ces lignes transparaissent l’amour inconditionnel pour ce quartier de Belleville, et surtout pour ce qu’il était avant que les bobos fassent surgir d’on ne sait où les kebabs à l’épeautre et à la betterave, et plus sérieusement rendent inaccessibles les prix des loyers.


La suite des événements aurait-elle été différente si Grand maman n’avait pas été contrainte à s’expatrier à cent cinquante kilomètres de Paris ? Nul ne le sait et probablement non.


Il y a beaucoup d’amour partagé au sein de cette famille qui ne coche pas les cases requises pour ne pas s’attirer d’ennuis administratifs de toutes sortes. La mère de Nana est un cas d’école. 

Un amour peu exprimé, délégué à la grand-mère, mais indiscutable. 


Beaucoup de vie dans ce roman, à l’image du quartier polychrome que fût Belleville, grâce à l’écriture directe, aux dialogues sans artifices, et à la vivacité des phrases pour exprimer la diversité des sentiments et émotions qui traversent le texte. 


Premier roman poignant et réussi 


280 pages Livres agités 24 août 2023







J'ai compris ça hier après-midi, en descendant la rue des Fêtes jusqu'à la piscine Alfred-Nakache de la rue Dénoyez. Une piscine rue des noyers, dans le quartier, on ose. Cela m'apparaît désormais comme une évidence, c'est ici qu'il fallait que je vienne écrire. Ici que je devais venir me planquer. À Belleville.


*


J'ignorais que ces Ils étaient là, tout proches, qu'ils arrivaient, qu'ils finiraient par nous pousser de là pour qu’ils s’y mettent, avec leurs Biocoop, leur Naturalia, leurs cafés hors de prix, leurs Coffee shops en vogue où ils adorent se retrouver pour avaler un pancake et échanger deux, trois mots hystériques sur le nouveau juice bar et ses cheesecakes à la courgette qui vient d'ouvrir. Ils, les Gentrificators.




Chez Nadège Erika, l’écriture est un rempart à la douleur et à l’injustice. C’est un autre moyen de s’intéresser à ceux qui ont un genou à terre et qu’elle porte à bout de bras dans son quotidien d’éducatrice spécialisée dans le médico-social. Et sa manière de refuser le statu quo.

Mon Petit, publié par Livres Agités, est son premier roman. 



Le bûcher des illusions ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Frédéric Brunnquell













Ces sept nouvelles mettent en scène des personnages du quotidien, des contemporains , qui ont pour point commun d’être abimés par la vie qu’on leur impose. Difficultés financières liées à des emplois précaires, que la moindre maladie fait sombrer, ou au déséquilibre d’une famille qui se disloque, régression sociale avec la menace de la rue, toutes ces impasses les conduisent à une révolte qui peut se traduire par une occupation de ronds-points, à l’adhésion à un syndicat ou à des choix politiques qui les bercent de nouvelles illusions en pointant du doigt les supposés responsables encore plus miséreux qu’eux.


On y rencontre aussi des femmes épuisées par leur vies multiples, par démission ou du fait du métier du conjoint toujours absent.


Le leitmotiv de ces nouvelles est le désabusement, la perte de l’espoir. 


Dans un siècle, le recueil pourrait être un témoin fidèle de ce qu’était la vie des français,  ceux qui font marcher les affaires d’une économie qui ne les fait pas bénéficier de son profit. Un témoignage social riche d’authenticité. 


196 pages Albin Michel 30 Août 2023




Frédéric Brunnquell



Frédéric Brunnquell est auteur réalisateur de films documentaires.


Il a commencé sa carrière à Radio France, puis a été pigiste une dizaine d’années au cours desquelles il a écrit cinq ouvrages.

Il a travaillé 12 ans comme grand reporter à l'agence de presse Capa où il a réalisé de nombreux reportages en France et dans le monde. À Capa, il est également l'auteur et le réalisateur de plusieurs documentaires primés dans de nombreux festivals.










Formol ⭐️⭐️⭐️

 Hadia Decharrière











L’histoire en elle-même est banale : un médecin légiste tombe amoureux d’une interne en psychiatrie ! Dit comme ça, le sujet est vite refermé. Mais c’est sans compte sur le charisme des personnages et en partie du légiste qui-même, personnalité atypique, qui a choisi cette spécialité pour des raisons que l’on peut comprendre mais qui font partie du cortège de singularité de sa personnalité. Il est sombre, semble dénué d’affects, bien qu’il mène une vie rangée et ordinaire, marié, menant une vie sociale normale.



La rencontre avec Alma constitue une sorte de catharsis, une révélation de lui-même autant par ce que leurs échanges fait parvenir à sa conscience que par le magnétisme de la jeune fille, qui fait écho à une autre Alma, célèbre dans le monde de la musique 


Alma disparaît brutalement, Paul part sur ses traces …



Le mystère et le magnétisme de Paul exercent un pouvoir attractif important au coeur de cette histoire sans relief. Malheureusement, avec la progression de la lecture l’intérêt s’étiole et j’ai fini lassée par la platitude du propos. 



206 pages Alma 25 Août 2023









Si le diagnostic différentiel chez le vivant est limité par le nombre de pathologies que la médecine connaît à l'humain, la science de la mort est quant à elle infinie. La violence et la perversion ne connaissent aucune limite.


*


Quel sens donnerait -on à l'ensemble de nos obligations si  l’on gardait  sans cesse en mémoire la mort inéluctable  qui en un instant viendra les effacer.





Hadia Decharrière



Hadia Decharrière est née en 1979. Elle est l'autrice de Grande section (Lattès, 2017) et Arabe (Lattès, 2019), Formol est son troisième roman.

Les ciels furieux ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Angélique Villeneuve











Au début du vingtième siècle, la petite Henni se réjouit de la charge récente qui lui incombe : elle a un bébé à elle. Autrement dit, on lui confie la garde de son dernier petit frère, comme sa soeur aînée a pu avant elle avoir la charge de deux enfants dans ce foyer juif au coeur d’un ghetto. L’amour qui lie cette famille reste assombri d’une menace permanente. Malgré la bienveillance et l’optimisme du père, l’intranquilité est sous jacente. 

Viendra le moment de l’intrusion, dont il est assez difficile d’établir les faits. On sait cependant qu’Henni passera une nuit d’angoisse et de froid dans une briqueterie non loin de là, en compagnie de son frère et de sa soeur.


L’enfant  reviendra au village, tentant de comprendre ce qui s’est passé.


Le roman se lit à travers les yeux et les pensées d’Henni, sans pour autant reproduire la vision naïve d’un enfant. Il en résulte un flou sur les faits et il est difficile de comprendre le raisonnement de la fillette. Le récit s’abrite derrière une très belle écriture, mais met à distance ce qui devrait atteindre nos émotions, puisque l’on comprend entre les lignes que personne n’a survécu au massacre. 


J‘avais beaucoup aimé La belle lumière. J’ai toujours une grande admiration pour le style même si je n’ai pas été complètement conquise cette fois.


210 pages Le passage 24 août 2023







Avrom surpasse de mille verstes la majestueuse machine à coudre, apparue à l'automne, les gâteaux aux oeufs de Macha, la rivière, à toutes les saisons, les phrases les plus rouges et les plus brillantes. Il fait grandir de l'intérieur celle qui en a la charge, provoquant dans la tête et dans tout le corps, l'apparition secrète, d’éclats lumineux et sonores. Avrom est le trésor d'Henni. Avrom est le cœur étincelant de son cœur.


*


Ils étaient deux.

Deux, bruns et couverts de boue jusqu'en haut du poitrail. Leurs poils étaient si longs et frisés, qu'ils n'avaient pas d’yeux sur la tête, ou simplement des oreilles pointues, rabattues en arrière, ou dressées, une gueule ouverte, et une langue molle comme une tranche de foie. Parfois, la scène se recompose malgré elle, sous les yeux d'Henni, et les deux chiens ne sont plus frisés, mais lisses. Au contraire, leur pelage surnaturel, enduit d’un beige, irisé. Leurs yeux absents sont apparus, immenses, luisants et rouges. Cette paire-là est encore pire que l’autre.




Angélique Villeneuve





Angélique Villeneuve a vécu en Suède et en Inde et réside en banlieue parisienne aujourd'hui.


Elle a publié 8 romans, dont La Belle lumière, est paru en 2020 aux éditions Le Passage. Maria (Grasset), a été récompensé en 2018 par le Grand prix SGDL de la fiction. Les fleurs d'hiver, sorti en poche chez Libretto, a obtenu 4 prix. Nuit de septembre (2016) est le récit de deuil qu'elle a écrit peu après la mort de son fils.

La maison vénéneuse ⭐️⭐️⭐️

 Raphaël Zamochnikoff












Elle reste au premier plan, cette maison, personnage à part entière, qui a instauré un dialogue occulte avec le jeune Arty dont elle peuple les cauchemars !


C’est pourtant une belle et grande maison, qui abrite la vie de cette famille que l’on pourrait penser sans histoire, vu de l’extérieur. Père architecte, mère brocanteuse, un frère ado qui découvre le goût de la liberté, Arthur n’a pas un profil à risque. Mais voilà cette maison qui l’abrite est vivante, il en a de multiples preuves : les bruits qu’elle émet, les ombres furtives qui surgissent à tout moment, tous ces signes n’offrent pas l’ombre d’un doute : elle est hantée. Le secret que découvre Arty au cours d’une exploration de la pièce interdite qu’est le bureau de son père, le conduira à échafauder une histoire familiale revisitée, source d’une investigation plus profonde encore pour comprendre ce qui s’est passé et le silence des parents.


Le thème est attractif, et le scénario du roman est calqué sur les films d’épouvante classique. On visualise très bien les scènes et on entend le bruitage terrifiant. Le secret est un point d’intérêt qui devrait capté l’attention et susciter l’attente d’une suite. Et pourtant, quelque chose ne fonctionne pas. Sont-ce les longs passages consacrées à l’introspection du personnage, les redites, l’emphase pour décrire les scènes sensibles ? La lecture est fastidieuse, complexe, et soporifique !



Rendez-vous raté avec ce roman qui avait pourtant tous les ingrédients pour être un page-turner.   


 416 pages Belfond 28 Août 2023 





L’horloge du monde étant ce qu’elle est, les vieilles de serpent affrontèrent la mort à leur tour, les mémoires se mirent à dérailler, amorçant une transition vers l’oubli non sans laisser se former un égrégore de haine autour de la Chapelaine, un sédiment dans la structure poreuse des vieilles pierres de Sévigny, imprégnant les consciences, se transmettant aux enfants. 


*


C'est l'été précédant son entrée au collège qu’Arty vécut le premier choc. On aurait dit qu’un vent soufflait sur un tapis de feu. L’étouffant, tout en l’avivant par endroits,. Un tourbillon qui bousculait ce qu'il savait, ou ce qu'il croyait savoir.




Raphaël Zamochnikoff


Né en 1977 Raphaël Zamochnikoff est acteur et réalisateur 

Hors saison ⭐️⭐️⭐️

Basile Mulciba 











Un étudiant en médecine s’aperçoit en quatrième année que la voie qu’il a choisi sans conviction n’est peut-être pas celle qui lui convient. En quittant les bancs de la fac et les couloirs des services hospitaliers pour aller faire la saison en montagne, il laisse aussi sans beaucoup d’états d’âme son amoureuse, qui lui fait rapidement savoir qu’il vaut mieux pour leur couple en rester là. 


Dans l’établissement hôtelier qu’il rejoint, l’ambiance est morose : la neige se fait désirer, et par conséquent les clients.  


Le peu d’activité rapproche les saisonniers. Yann y trouvera t-il une occasion pour découvrir sa vraie nature ?


Un roman dont le sujet écologique, qui déborde de la simple absence de précipitations neigeuses, et de ses implications économiques est intéressant. Ce jeune adulte qui se cherche nous entraîne par ses confidences dans les méandres de sa personnalité. 



Malgré une écriture sans reproche, le roman n’a déclenché en moi qu’un enthousiasme modéré. 


191 pages Gallimard 24 août 2023








Yann s'était installé dans le sens de la marche, la tête appuyée sur la paume de sa main, le front cahotant contre la vitre du train au rythme des roulements. Depuis qu'il avait quitté le centre-ville, il lui semblait que les secousses s'était adoucies.


*


Depuis plusieurs jours, il avait l'impression que l'existence à la station trouvait  son rythme et que, malgré l'absence de neige, l'activité démarrait , comme une vieille mécanique fatiguée et pleine de poussière dont on chauffe le moteur en préparation d'un grand voyage.




Basile Mulciba





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