Abonnés

Coeur ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Thibault de Montaigu




D’un intérêt indéniable sur le plan littéraire, ce texte n’a rien d’un roman. C’est une autobiographie familiale, un déroulé d’une filiation avec ses accidents et ses secrets, dont la révélation apporte un éclairage nouveau sur des comportement parfois étranges .


Le narrateur, c’est à dire Thibault de Montaigu, vient en aide à son père, usé par l’âge et tente d’adoucir la rudesse des maux de la vieillesse. Si le corps  l’abandonne, la réflexion et les souvenirs sont intacts. Une obsession pour cet homme qui multiplia les conquêtes et eut mille projets, comprendre ce qui s’est passé sur le champ de bataille où son grand-père trouva la mort, alors qu’il lançait une offensive à cheval pendant la guerre de 14-18. 


Thibault se lance donc dans un enquête complexe, tant les témoignages sont rares et parfois contradictoires.



Nul besoin de romancer un tel récit, les personnes réelles qui font l’histoire sont suffisamment originaux pour alimenter une saga familiale étonnante.


Le talent d’écrivain de l’auteur fait le reste. Un texte très apprécié, donc, avec cette réserve qu’il ne s’agit pas d’un roman. 




336 pages Albin Michel 21 août 2024







Mon père n'a pas connu la Terreur, ni la guillotine, et pourtant c'est son histoire. De même que je n'ai jamais chargé avec les hussards contre les canons allemands, et pourtant c'est mon histoire. Ou tout au moins, celle qui me poursuit malgré moi.


*


Les pères sont des mythes auxquelles les fils, un jour ou l'autre, cesseront de croire.


*


Un écrivain ne choisit jamais son sujet ; c'est l'inverse qui est vrai.


*


Par lâcheté, je lui annonce que je dois filer. Le travail, les enfants, n'importe quelle excuse dont j'ai honte à l'instant, même où je la prononce, mais je ne sais faire autrement pour ne pas abîmer tout l'amour qui me reste pour lui.

Thibault de Montaigu



Thibault de Montaigu est un écrivain français né en 1978




Toujours l'aimer ⭐️⭐️⭐️

Matthieu Gounelle












Un récit étrange, comme le sont les pensées et la logique de la narratrice, qui dit l’amour inconditionnel pour son enfant mais va commettre l’irréparable. 


Les explications qu’elle donne lorsqu’elle est confrontée à son geste, nous entraine dans les méandres de la folie humaine, vers un vertige amer et une profonde compassion pour cette femme qui, dans un seul magma de réflexion, mêle Eros et Thanatos. 



La langue a la beauté de la folie, et exerce une attraction bousculée par  l’inconfort et le malaise ressenti. 


Des mots très durs sur la maternité, la parentalité, sans tenir compte de la bienséance. 



Le propos est si clivant que l’on peut parfois s’en protéger en lisant derrière les phrases un exercice de style qui atténue le mal-être.



Un premier roman perturbant.


Arléa 104 p 1er août 2024







C'est pourtant dans l'effort qu'on fait pour se souvenir, pour combattre l'oubli, que réside la possibilité d'un futur qui ne soit pas une vaine répétition, une simple illusion. Les photographies obèrent ce possible. Elles sont un  renoncement à la vie. Donc je n'ai pas de photographies. 


*


Non, je n'ai pas cherché à être mère à tout prix. Dans le fond, un grand nombre d'hommes et de femmes font des enfants pour régner : incapables qu'ils sont de guider leur propre vie, ils se reproduisent pour avoir barre sur un être dont la faiblesse assurera leur triomphe.

Matthieu Gounelle


Matthieu Gounelle est professeur au Muséum d'histoire naturelles de Paris, Toujours l'aimer et son premier roman


Echappées ⭐️⭐️⭐️

 Manon Jouniaux 












C’est une communauté essentiellement féminine qui s’est constituée autour d’Anita, et qui perpétue les gestes traditionnels pour la récolte des châtaignes. L’île les préserve d’un passé que l‘on ressent comme douloureux. Mais les choses sont tues , ce que n’accepte pas l’Enfant, que son statut d’adolescente rebelle conduit à harceler sa mère pour en savoir plus sur ce passé lointain qui les a conduit là, au risque de mettre en danger la communauté. 


Dans un cadre somptueusement décrit, la fête perpétuelle et les ivresses ne parviennent pas à masquer totalement les réminiscences des drames qui ont ponctué leur passé. Le déclin de la matriarche et la révolte de l’Enfant mettent en péril l’équilibre subtil durefuge.



Il faut pour entrer sans la narration, un effort de concentration car l’écriture est complexe et ne se laisse pas parcourir d’une regard superficiel (il m’a fallu trois tentatives pour réussir à me laisser porter par le récit, à condition d’accepter de ne pas comprendre certaines phrases)



Une écriture onirique pour ce premier roman, dont le thème central est intéressant, mais le texte peu facile d’accès.



224 pages Grasset 28 août 2024








Au commencement du jour, c'est elle. Dans les premiers souvenirs de l'Enfant, si incrustés dans sa mémoire qu'elle peine à les extirper, enfouis à l'intérieur du ventre, sous la moiteur des chairs. Les premiers souvenirs, c'est elle, et l'Enfant cherche, tente d'arracher au noir les débris mémoriels, résidus narratifs, qui se confondent, s'additionnent, se métamorphosent, se dépiautent sous la pulpe de ses doigts, en pâte molle et sucrée, une bouillie à l'odeur de lait.


*


C'est la promesse d'une nuit ivre. Samedi soir, les artères sont gonflées, il faut s'ouvrir une vanne, dégorger le corps du travail. Les bouteilles se vident et les têtes se consument, on se libère des cadavres.

Manon Jouniaux



Née en 1998, Manon Jouniaux est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Arts de Paris-Cergy. Elle vit et travaille à Paris. Echappées est son premier roman 

Gamba ⭐️⭐️⭐️

 Sophie Tavert Macian 











Ambiance sportive pour l’ouverture de ce roman : la technicité de la discipline est un premier obstacle pour une lecture sereine. Quand on ne connaît pas le lexique de la gymnastique, les figures décrites restent opaques ! Cela permet cependant une lecture rapide , a moins de consacrer du temps pour visualiser les figures en questions et le nom du matériel utilisé. 

L’histoire se corse et prend une tout autre direction lorsque la jeune fille la plus douée, potentielle future candidate aux JO subit des attouchements de la part du médecin de l’équipe. Traumatisée, elle garde pour elle ce drame qui modifie autant ses performances que son comportement…



On s’attache vite à Maélys, isolée en métropole, alors que sa mère lutte pour financer la carrière de la jeune sportive. Quant à la suite des événements, on tremble devant la tournure qu’ils prennent, avec le risque de voir balayer d’un revers de la main les faits, voire de traiter l’adolescente de menteuse.


Le sujet est traité avec beaucoup vraisemblance et on imagine bien que cela pourrait se produire à peu près sur le même schéma dan la réalité. Mais  le sport en littérature ne me convient pas, c’est la raison pour laquelle j’ai du mal à apprécier le roman.



256 pages Belfond 7 mai 2024








Elle se tient droite sur la poutre. Le silence l'enveloppe, aussi vaste qu'un palais omnisports, désert. Au creux du ventre, deux doigts sous son nombril, une balance subtile de contraction et étalement. La stabilité. Un état qu'elle aime.


*


Ce que prépare Maylis est risqué, pour y arriver elle a besoin de paracétamol. Une bonne dose pour museler la douleur. Pas trop non plus. Elle va les ingérer en une seule fois, elle doit faire gaffe. Habituée de l'automédication, elle sait qu'il ne faut pas déconner avec le surdosage, ça peut finir en greffe du foie.


 

Sophie Tavert Macian


Sophie Tavert Macian réalise son premier film Apparences pour son bac de cinéma.

A l'université, elle étudie en parallèle le cinéma, l'histoire de l'art et l'archéologie, avec une préférence pour la Préhistoire.



Sister-ship ⭐️⭐️⭐️

 Elisabeth Filhol





J’attendais beaucoup de cette dystopie, mais l’autrice ne m’a pas emmenée là où je pensais arriver. En effet si le thème est bien une expédition sur l’une des lunes de Saturne, il n’est pas question de procurer à une communauté de privilégiés une échappatoire à l’apocalypse en cours sur terre, tout du moins pas directement. Et donc pas de réitération de la bêtise humaine dans un nouvel avenir à créer. 


Le roman repose sur deux structures : le discours des initiateurs de ce projet de préservation du vivant, le pourquoi et le comment de l’expédition qui doit acheminer des cuves contenant toute la réserve des espèces répertoriées sur la terre, végétaux, animaux et humain, afin qu’au moment propice la vie puisse se développer dans cette colonie lointaine.


Par ailleurs nous partageons les états d’âme et les explications des cinq astronautes embarqués pour mener à bien cette mission.


C’est très technique, et bien que pédagogique et accessible, cela reste un domaine scientifique et pointu pour des non spécialistes. 


Le plus intéressant est le débat sur le recrutement des vingt cinq mille terriens dont le patrimoine génétique va être conservé, et les conséquences  de ce choix.



Plus férue de sociologie que de science, je n’ai pas vraiment accroché.


320 pages POL 22 août 2024







Le 4 octobre 1957, la mise en orbite de Spoutnik lance la course à l'espace. Au cours des 10 années suivantes, les soviétiques vont mener la course en tête et accumuler les exploits, avant de se faire doubler à quelques mètres de la ligne d'arrivée, le 21 juillet 1969. 


*


Au soir du 7 juin 2073, partout à travers le monde, on se rassemble devant des écrans géants pour suivre en direct sa phase d'approche et communier à l'unisson, comme trop rarement, l'occasion, nous en ai donné, d'un évènement fédérateur à l'échelle de la planète.


Élisabeth Filhol

Née en 1965, Elisabeth Filhol est une écrivaine française. Elle vit à Angers. Pour La Centrale , elle reçoit, en 2010, le prix France Culture-Télérama. 



Article le plus récent

Coeur ⭐️⭐️⭐️⭐️