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Ecouter les sirènes ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Fabrice Melquiot 











Leonard Cohen a traversé les générations et les plus anciens ne peuvent pas voir oublié ce titre culte que fût Suzanne…Cette douce mélodie et l’évocation d’une femme presque inaccessible auront marqué les années 70. 


Aussi l’idée de faire plus ample connaissance avec la figure évanescente de Suzanne, en ayant pour interlocutrice sa fille est une excellente idée. Pour en savoir plus, au risque de démystifier le personnage.


On découvre avec délice la face cachée de l’inspiratrice de la chanson. Avec cette jeune femme qui cherche son père, alors que celui qui a été son père adoptif vit ses derniers jours, lui laissant quelques indices pour comprendre ses racines…


C’est d’autant plus agréable que l’écriture est superbe, déclinant des dialogues ciselés et un style proche de l’échange oral, qui donne la sensation d’un vécu authentique. 



Un très beau premier roman entre nostalgie et histoire.





304 pages Actes Sud 21 août 2024








L'être humain tient trop au roman de sa vie, pour ne pas s'arranger, bon gré mal gré, avec les pages qui le composent.


*


Les oiseaux s’ébrouent sur le parapet des ponts, les fils électriques, les enseignes au néon. Suzanne s'ébroue comme eux dans un flou social et ontologique. Elle se demande ce qu'est son être en tant qu'être, comment les choses existent, et quelles relations maintiennent les choses existantes.



*


Il faut cesser de croire que nous sommes de la même espèce, les hommes et les femmes, en concertation, en attente, en concurrence, en compétition au sein de la même espèce. On ferait le deuil de l'humanité, on se porterait mieux. L'humanité, cette idée lourde. On serait des hommes et des femmes, comme on est des buffles et des guépards, des zèbres et des girafes.



*Fabrice Melquiot


Fabrice Melquiot est né à Modane en 1972. Il a publié de nombreux ouvrages pour la jeunesse. Ecouter les sirènes est son premier roman 


Brown Baby ⭐️⭐️⭐️⭐️


 Fabienne Jonca










Paris n’est pas le refuge idéal, mais pour cette famille américaine, le climat de racisme ambiant n’était plus supportable. Pourtant l’exil est rude, les conditions de vie précaires. Charly se produit tous les soirs dans un café, tandis que le fils Sam s’approprie peu à peu les codes et la langue de sa terre d’accueil. Ses amis sont eux aussi des immigrés de fraiche date. On est à Saint-Germain dans les années 50, les titres de swing donnent un air de fête aux chapitres comme aux soirées de la capitale.


Pourtant, Sam s’interroge sur sa couleur de peau, plus claire que ne le supposait celle de ses parents…


Cette quête des origines est construite très adroitement. Si l’on ne connaît pas toujours les patronymes des personnages, leurs prénoms en évoquent d’autres, bien connus. Ce n’est pas un hasard si le surnom de Charly est Petit oiseau !


Ambiance germanopratine au temps de la splendeur de ce quartier d’artiste et exploration des affres du déracinement, ce premier roman est écrit avec talent et se lit avec plaisir. 


264 pages Atelier des nomades 22 août 2024








Une goutte, tombant de la lucarne, va s'écraser sur son cahier, transformant son sang d’encre en mots éparpillés. Il n'était plus seul au monde. Le ciel, lui aussi, pleurait.


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Suspendu à ses interrogations, il se torturait de plus en plus douloureusement, en tentant de se débattre, ce tremblement de terre avait englouti ses frêles certitudes et mis à jour une douleur jusque-là insoupçonnées.


 

Fabienne Jonca



Fabienne Jonca est né en Catalogne et vit depuis plus de 30 ans à la Réunion. Brown baby et son premier roman.


Inventaire du matrimoine ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Coralie Grimand 











Ils sont ensemble depuis plus de cinquante ans. Les années pèsent sur leurs corps et pour elle le déclin des idées commence à faire rôder sur ses journées le spectre du danger. L’alerte est maximale pour leur fille, seule à assurer cette responsabilité immense, prendre les décisions entre sécurité et bien-être. Elle vient de perdre son travail, sa compagne lui reproche son investissement auprès de ses parents, toutes ces contradictions  ont des conséquences sur son humeur. Sa volonté d’aider devient une agression quasi-permanente sur son entourage.



Parce que les négligences qui ponctuent le déclin cognitif peut porter à sourire, lorsque le drame n’est que frôlé, le roman peut prendre un ton léger. Mais le récit nous renvoie malgré tout à un vécu tangible et si actuel : devenir parent de ses propres parents, avec ce que cela comporte de conflits potentiels.


Ce portrait d’une femme de cinquante ans confrontée au vieillissement de ses parents et à ce que lui renvoient leur déclin est traité dans une langue sans fioritures, qui dit bien les sentiments éprouvés. La brume qui envahit peu à peu la pensée maternelle est également bien transcrite.



Un premier roman intéressant. 


216 pages Arléa 29 août 2024








 Son grand œuvre s’était  réalisé lors de la reconstitution d'une motte castrale féodale, une poype médiévale dont ils avaient creusé le fossé, rétabli le rempart de terre, et les palissades de fortification, avec l'aide de bénévole chenus.


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Il fallait désormais gérer les chutes et les pointes, l'hypotension orthostatique, les courants alternatifs, les temps faibles, les contretemps, les syncopes et les tremblements. Cette nouvelle phase demandait d'apprendre pas à pas le solfège de la maladie comme une langue des signes.



Coralie Grimand vit à Lyon, Inventaire du matrimoine est son premier roman 


Marc ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Benjamin Stock












David est le manager d’une entreprise dont les activités sont aussi critiques que les dénominations de ses employés. Blasé, mais assez sûr de lui compte tenu de la rentabilité de l’affaire, il passe plus de temps dans des soirées branchées et « vitaminées » que dans ses locaux. Pourtant son assiduité  change lorsqu’il repère dans les effectifs une jeune femme aussi attractive que distante. La condescendance qu’il affiche lorsqu’elle lui parle de sa passion pour les romans de Marc Lévy va évoluer peu à peu avec la découverte de cet auteur.


Bien entendu, la dérision est de règle dans ce roman aussi original que déjanté. Le sujet permet de développer une analyse non conventionnelle du monde littéraire contemporain. Au-delà, la folie douce de ce personnage fait réfléchir et met en évidence la fragilité de nos raisonnements, ainsi que la contagion que peut susciter une idée aussi absurde soit-elle, si elle touche à un moment précis d’un parcours une faille existentielle.


On peut se demander si Marc Lévy aura suffisamment d’amour et de recul pour prendre les choses avec légèreté…


Un premier roman riche de promesses….


448 pages Rue Fromentin 22 Août 2024








À quoi sert d'écrire des livres moyens ? De répéter des choses dites déjà ailleurs ? C'est juste… Faire du petit commerce. Faire du bruit. Y a trop de bruit, on s'entend plus.


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La « révolution numérique » fut seulement le nom d'un chassé-croisé, le remplacement d'une classe de dominants par une nouvelle génération de dominants – de la cravate aux sweats à capuche.


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C'est pareil dans les entreprises de pétrole, chaque fois qu'on lance un nouveau forage. Tout le monde sait que c'est idiot, que c'est l'apocalypse, et tout le monde fait son travail quand même… Tout le monde coche les cases, rentre chez soi, ferme sa gueule.

 

Benjamin Stock


 Benjamin Stock est né à Blois en 1988. Marc est son premier roman.


Au soir d'Alexandrie ⭐️⭐️⭐️⭐️

Alaa El Aswany 













Nous sommes en Egypte dans les années 50. Nasser règne en dictateur dans ce petit pays qui tente de s’affranchir du colonialisme. 


Le groupe d’amis qui se retrouve chaque soir dans les locaux d’un restaurant connu d’Alexandrie, après le départ des derniers clients, échange avec conviction autour de l’ambiance générale dans la ville. Il y a là un peintre, Anas, et sa compagne, Abbas l’avocat, le maitre d’hôtel Carlo , et Chantal la libraire française. Les débats font rage autour de la personnalité et des projets du président Nasser.


Peu à peu, l’ambiance bon enfant qui règne au bar s’assombrit, alors que les amis se font tour à tour piéger par les services secrets.


Très belle évocation d’une période historique particulière dans ce pays du Moyen Orient, les personnages du roman soutiennent des opinions différentes en fonctions de leur appartenance, créant dans ces lignes un débat ouvert très interessant. On a ainsi un bel aperçu de la vie artistique et culturelle de la ville. La connaissance politique et historique du propos est impressionnante.


Instructif et agréable à lire. 


384 pages Actes sud 4 septembre 2024

Traducteur : Gilles Gauthier 

Lu pour le jury FNAC








La révolution est une très belle chose, mais [qu’]elle se transforme vite en pouvoir despotique.

C'est ce qui est arrivé à la révolution française, et c'est ce qui arrive maintenant à Cuba ou le régime révolutionnaire réprime tous ceux qu'il considère comme ses ennemis.


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Dans un régime dictatorial, vous n'avez aucune valeur. Vous n'êtes rien. Vous avez beau vouloir ignorer cette réalité, ou vous fabriquer un monde à vous pour vous isoler des évènements extérieur, vous avez beau vous évader dans l'art, dans la boisson, dans le haschich ou dans les soirées entre amis, ce ne sont là que des leurres qui éloignent le moment où vous devrez affronter la réalité. À un moment donné, comme maintenant, vous trouverez face à votre écrasement et à votre honteuse défaite. Vous n'avez pas de droit, pas de dignité. Le dictateur peut faire de vous ce qu'il veut. Quand il veut et vous n'avez pas le droit de vous y opposer. Vous pouvez seulement déposer une requête et vos requêtes seront déboutées



Alaa El Aswany est un écrivain égyptien né en 1957, exerçant la profession de dentiste au Caire.


Il est né dans une famille d'intellectuels, son père étant lui-même auteur.




La ballerine de Kiev

 Stéphanie Perez











En février 2022, le quotidien des ukrainiens a basculé dans l’horreur : bombardements incessants, destructions aveugles, et la mort qui rode et menace sans répit. Pour les danseurs de l’Opéra, la détresse est profonde. Et pourtant, malgré les départs pour le front, les corps martyrisés, et l’angoisse permanente, ils décident de danser, à l’hôpital dans une premier temps puis à l’Opéra, au risque de devoir interrompre le spectacle en cours en cas d’alerte. Même le répertoire doit s’adapter : Tchaïkovski est en disgrâce, parce qu’il est russe et qu’il était le compositeur préféré de Staline. 


Beaucoup de grâce et d’espoir dans ce roman émouvant. Des personnages admirables par leur ténacité et leur courage pourtant mis à rude épreuve, d’autant que la mort ou le handicap ne sont pas de vaines menaces. 


Dans la lignée du précédent roman de Stéphanie Perez, Le Gardien de Téhéran, le roman donne une visibilité à ces héros de l’ombre, dont la foi et la pugnacité alimentent une volonté de vivre leur passion malgré tout. 


256 pages Récamier 29 août 2024

Lu pour les Talents Cultura 






L'art et la culture peuvent-ils vraiment rester au-dessus des clivages politiques ?


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.Et dans le ballet, tu verras comme nous avons essayé de guérir la guerre en nous, d'exorciser nos douleurs. Quand les mots sont insuffisants, la danse est toujours là.

Stéphanie Perez



Grand reporter pour France Télévisions depuis plus de vingt-cinq ans, chargée de l'international, Stéphanie Perez s'est rendue plusieurs fois en Iran et a couvert plusieurs conflits, comme la guerre en Irak et en Syrie, ou récemment en Ukraine.



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Le gardien de Téhéran 

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