- Broché: 368 pages
- Editeur : Buchet-Chastel (7 février 2019)
- Existe en version numérique
- Collection : LITT FRANCAISE
Ne tirez pas sur l’auteur moqueur! Et pourtant, il s’en donne à coeur joie, Jean-Marie Erre, tout y passe…Les handicapés, les journalistes, les flics! Champion des anti-héros, le flic en chef est tout sauf craquant :
Pourquoi n’aurais-je pas le moral ?
– Votre femme ne vous a pas quitté ?
– Non, pourquoi ?
– Vous n’êtes pas alcoolique ?
– Je ne comprends pas ce que…
– Alors votre coéquipier est mort sous vos yeux et depuis vous êtes hanté par des cauchemars parce que vous vous sentez coupable, c’est ça ?
– Pas du tout !
Moue perplexe du Gabriel. Il détaille Pascalini en repassant dans sa tête la liste complète des clichés du polar avant de lâcher :
– Vous êtes sûr que vous êtes policier ?
Par contre la fine mouche qui mène l’enquête est très atypique : tétraplégique, contrainte à communiquer via un dispositif de synthèse vocale, qu’elle actionne avec son seul doigt valide, qui ne peut être que son majeur, bien sûr! Et quelle est la seule personne autorisée à se gausser d’une telle situation? La paralytique elle-même, qui utilise avec prodigalité l’autodérision.
Les monstres du cirque qui s’est sédentarisé dans la petite ville ne sont pas épargnés.
Il existe bien une enquête, qui vise à retourner l’auteur de crimes bien sanglants, imaginez :
« C’est elle qui a découvert Joseph éviscéré, émasculé, énucléé, étêté – et mort – dans ses toilettes. Un vrai fléau, cette désertification rurale. »
On l’aura compris, le but premier n’est pas de conter un thriller angoissant avec une intrigue alambiquée, (encore que perso, je n’ai rien vu venir), mais de jouer avec les codes du polar. Toutes les ficelles sont tournées en dérision , et c’est d’autant plus drôle que le lecteur est pris à partie comme témoin de ces procédés.
C’est déjanté, jubilatoire, et précieux pour désamorcer la morosité ambiante.
#QuiATuéLhommehomard #NetGalleyFrance
Précisons néanmoins que Joseph était moins rejeté pour sa difformité que parce qu’il était raciste, misogyne, homophobe, pervers et supporter du PSG.
*
Qui était responsable du crime ? Nul ne l’a jamais su. Les gendarmes mirent plusieurs jours pour arriver à Margoujols, l’un des bourgs les plus reculés du Gévaudan, et se montrèrent peu motivés par une enquête sur un forain roumain dont personne ne se souciait en 1945 à l’heure joviale de la tonte épurative des Lozériennes germanophiles.
*
Tétraplégique. La totale, le gros lot, carton plein. Émaciée, le regard fixe et la lippe boudeuse, un peu comme les mannequins qui trimballent leur anorexie sur les podiums, mais en moins sexy. La tête penchée sur le côté pour mieux me baver sur l’épaule. Car je bave. Beaucoup. Un des rares domaines dans lequel je sois très productive. Je suis un monstre. Je vous avais avertis.
À cet instant, vous êtes en train de me plaindre. Réaction normale qui montre que l’éducation judéo-chrétienne a bien fonctionné sur votre personne. Vous n’êtes pas sociopathe, vous pouvez continuer à émettre vos ondes compassionnelles jusqu’à atteindre un niveau satisfaisant de bonne conscience. Ensuite, vous pourrez opter pour une indifférence gênée et des regards lointains, parce que mine de rien, je bave et c’est dégueu.
Jean-Marcel Erre, publié sous la signature J.M. Erre, est un écrivain français.
Il est le frère de Fabrice Erre (1973), auteur de bande dessinée.
Il publie son premier roman en 2006, "Prenez soin du chien", une enquête loufoque mettant aux prises les locataires de deux immeubles jumeaux.
J.M. Erre est professeur de Lettres à Sète.
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