Abonnés

Ohio ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Stephen Markley



  • Broché : 560 pages
  • Existe en version numérique
  • Éditeur : Albin Michel (19 août 2020)
  • Langue : Français
Traduction (Anglais) : Charles Recoursé



C’est un récit dense, à quatre voix que nous propose avec beaucoup d’ énergie, dans une sorte de logorrhée qui entraîne le lecteur dans un tourbillon vertigineux. De l’adolescence à l’âge adulte on suit le destin de quatre jeunes américains  moyens, des filles et des garçons que les pulsions sexuelles  de l’adolescence entrainent parfois au-delà du raisonnable. 


Tina, Stacey, Bill, Dan vont l’un après l’autre lever le voile sur une période trop alcoolisée et fumeuse pour que les limites ne se trouvent pas franchies. Les récits se complètent en se contredisant parfois. Les aléas de la mémoire recréent la légende, et ce d’autant que les traumas fondateurs ont pu altérer les souvenirs. Construit comme un puzzle qui ne révélerait le tableau complet que lorsque que la dernière pièce prendrait sa place. A l’âge adulte, certains en sont profondément marqués. La guerre en Irak et l’attentat des tours jumelles achèvent de brouiller les cartes dans ces esprits perturbés. 


C’est à la fois un constat d’échec personnel pour chacun des personnages qui au gré de leur errance se confrontent à ce qui reste des souvenirs de leur jeunesse. Il faudra arriver à la toute fin du roman pour comprendre ce qui s’est vraiment passé.


Guerre, drogue, racisme, régression cognitive sur fond de religion, c’est un portrait sans complaisance de l’Amérique contemporaine, vacillant sur les socles chimériques de ce qui fut le rêve américain.


C’est noir, violent, et cru, sans concession et porté par  une écriture vive, dense, qui demande une attention soutenue, et nécessite une concentration sans faille pour avancer dans le récit. 




Mais bon bref. Ce soir-là l'univers chantonnait. Bill le sentait à travers l'urgence de sa nausée. il ne croyait pas en Dieu, ne croyait pas davantage au destin ou aux coïncidences, et n'avait donc pas beaucoup d'options pour expliquer les choses sinon que, parfois, le bon astéroïde percutait la bonne planète de telle sorte que les lézards perdaient leur place et ces cons de singes la récupéraient.

*

Nous le savons tous, la mémoire fonctionne de telle sorte que notre vie entière se trouve expliquer par une poignée de moment précis, des totems qui deviennent ensuite des récits. Reste à inventer ce qui liera le reste. Après un mélange de LSD et de métamphétamine, avec quelques litres d'alcool dans l'intervalle, on commence à interroger profondément ces épisodes éclatant, et le cocktail créait dans la tête de Bill  des transposition temporelles tout à fait intéressantes

*

La littérature, c'est une immense conversation qui transgresse toutes les limites définissant notre pensée : les frontières, notre durée de villes continents, les millénaires. 

*

Et la puissance de calcul finira forcément par devenir tellement énorme qu'on pourra tout simuler, y compris la création d'un univers entier peuplé d'être conscient. Mais pourquoi se contenter d'une seule simulation ? Pourquoi pas des millions ? Et à l'intérieur de ces simulations une grande partie des êtres simulés développeront tôt ou tard  la capacité de créer eux-mêmes leur propre simulation. Il y a très peu de chances qu'on soit des entités biologiques originales qui créeront les premières simulations. En fait c'est presque impossible. Le plus probable, c'est qu'on existe dans une simulation parmi des millions qui sont simulées par d'autres simulateurs, qu'on est simplement le fruit d'autres simulations informatiques

 - T'es vraiment une grosse geek.

*

Un des luxe de la modernité était de ne jamais avoir à se demander si l'espace d'un parking risque d'écraser le sol, de déranger un écosystème fragile, d'expulser une colonie d'insectes, d'oiseaux ou de petits mammifères. Ou bien de ne jamais songer que ce parking lui-même n'était guère qu'une miniature d'un phénomène bien plus vaste et sinistre : une guerre contre la biosphère vivante. On parle d'anthropocène, mais il serait plus exact de l'appeler nécrocène : une ère géologique déclenchée par l'être humain, dans laquelle le profit découle de l'exploitation et de l'extinction, l'immense capital accumulé finançant des dévastations plus grandes encore un cycle fatal.








Stephen Markley est un écrivain américain né en 1983. il vit à Los Angelès. Ohio est son premier roman.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article le plus récent

L'âge du capitaine ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

Articles populaires