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Ecorces vives

Alexandre Lenot







  • Broché: 208 pages
  • Editeur : Actes Sud Editions (3 octobre 2018)
  • Collection : Actes noirs
  • Existe en version numérique
  • Langue : Français



















En plein coeur du Massif central, dans un coin de campagne que la modernité semble avoir oublié, il suffit de l’ incendie d’une masure pour la rumeur vient échauffer les esprits et fasse ressurgir les haines ancestrales.


L’écriture est superbe, avec un lexique pointu, une syntaxe élaborée, aux confins de la poésie, exigeant une lecture attentive pou en apprécier la richesse. Une des plus belles proses parmi les lectures de  ces dernières semaines. Des phrases qui se savourent comme un vin précieux, un mets raffiné, nécessitant une disponibilité de l’attention pour en analyser les subtilités.

Et c’est au dépens de l’histoire. Certes peu à peu, les personnages prennent corps et se racontent , avec parfois encore des incertitudes lorsque la narration les avait mis en parenthèse. 
Eli, Andrew, Louise, Lison livrent leurs failles parcimonieusement, avec pudeur et parfois une évocation trop brumeuse pour que l’on s’y retrouve.

L’intrigue a besoin de temps pour émerger des magnifiques descriptions des lieux et des portraits en demi-teintes des personnages. Le fil conducteur est ténu. Il faut attendre le dénouement de ce qui se tricote au fil des chapitres pour comprendre, peut-être, ce qui se tramait  jusqu’alors. 


C’est court mais très dense. Très prometteur, aussi, car ce premier roman est si maitrisé sur le plan de l’écriture qu’il laisse augurer de futures productions aussi séduisantes.



Il est opiniâtre, dur au mal, borné et méticuleux. Il est très peu loquace. On sent qu’il y a une mer intérieure chez cet homme, mais c’est une intuition que rien n’est jamais venu confirmer. On le voit au petit matin ouvrir les bureaux et il est souvent le dernier à en partir. Certains le croisent patrouillant le dimanche. On le dit travailleur et froid, honnête et distant. Il a une réputation de bon sens. Il aurait pu devenir populaire, s’il avait seulement pris la peine de répondre de temps en temps aux voisins qui lui demandent son avis sur le climat, les pluies surtout, les éoliennes installées de l’autre côté du col, l’aménagement des jardins bourgeois, celui des potagers ouvriers, le sport, les résultats de Clermont en rugby et de Saint-Étienne en football, les voitures, les outils, la pose de fenêtres, l’entretien des motocyclettes, la chasse, la pêche, et même parfois la musique quand s’échappent de sa voiture des notes de piano. 

*

Pas d’échafaudages, pas de plans. Leurs existences s’étaient consolidées d’un coup d’un seul. Ils s’étaient pénétrés, ils avaient cavalé et s’étaient avalés, ils avaient exhumé des monceaux de petits trésors planqués juste sous leurs peaux. Ils s’étaient froissés, dépliés, étalés. Ils avaient trouvé une immense joie dans les plus infimes désordres.

*

Elle entend le murmure du pays, tout près d’elle. Des questions ressassées des centaines de fois, au creux des jours et au soir avant de s’endormir, par ces hommes fatigués et brutaux, avides et peinés, qui sentent leur vieux monde s’embrumer peu à peu, parcouru par les vents et la mort, raviné par les pluies, isolé par des contreforts noirs, des routes trop peu nombreuses et trop difficiles à entretenir, des voies ferrées déficitaires et sans cesse menacées par des comptables dont les visages ignorent tout des morsures du vent. 







Alexandre Lenot est né en 1976. Il vit à Paris et écrit également pour le cinéma, la radio et la télévision. 

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