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N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures

Paola Pigani








  • Poche: 224 pages
  • Tranche d'âges: 3 - 5 années
  • Editeur : LIANA LEVI (4 septembre 2014)
  • Collection : Piccolo









Premier roman de Paola Pigani, lu après le deuxième, Venus d’ailleurs. Le thème est proche : s’immiscer au coeur d’une population sinistrée. Si Venus d’ailleurs s’attachait à l’itinérance de ceux qui fuient une guerre, une oppression, et la menace permanente, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures aborde en contraste la mise en captivité d’un peuple essentiellement  nomade. La guerre est encore ici le prétexte à contrôler les gitans. 

« En période de guerre, la circulation des nomades, individus errant généralement sans domicile, ni patrie, ni profession effective, constitue, pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté"

Eux qui avaient déjà payer leur tribu à la France lors de la Grande Boucherie de 14-18, sans pour autant recevoir l’inutile honneur de figurer sur les monuments de gloire posthume, se retrouveront séquestrés en zone occupée dans des camps qui n’ont rien à envier aux sinistres établissements polonais ou allemands.

C’est à travers Alba, une toute jeune fille qui découvre les émois de l’adolescence, que l’auteur nous fera vivre le quotidien misérable du groupe, grossi peu à peu des nouveau-nés ou d’arrivants arbitrairement désignés. 

Toute la vie dans ce camp est synonyme de perte : de l’identité, de la liberté, de l’envie de vivre même pour certains. L’évasion est illusoire, à  l’extérieur , il ne suffit pas d’échapper à la vigilance des Schmits, la horde des bien-pensants est là pour signaler les errances et envoyer à l’abris des regards les différences qui incommodent.

Superbement écrit, le récit ne peut que nous séduire et nous  rallier à la cause de cette minorité, malmenée dès que les désordres de la vie sociale réclament un bouc émissaire.



La brume est encore épaisse sur les prairies alentours. Un peu honteuse, elle fait cuire des pommes ramassées la veille dans une cocotte en fonte. Le parfum des fruits se mêle doucement à l'odeur de cuir et de bois humide. Tous dorment encore dans les roulottes. Peu à meula fumée et la brume l'envahissent et soulèvent son âme bien au-dessus du campement. Elle voit ce petit monde s'éparpiller sur les routes, dans les forêts. Elle voit s'étendre sur les siens le même  voile de cendre qui cache les yeux de sa mère.

*

Une vie en plus? Une promesse qui un jour se détache de soi et tombe par terre? Alba ne sait rien de tout cela. A peine sait-elle que le sang perdu à chaque lune nouvelle fait d'elle une personne précieuse. On ne doit plus l'approcher, la toucher, l'enlacer comme une enfant. Elle doit apprendre à rouler, toiser, s'effaroucher. Elle doit accepter cette geôle invisible et féminine. 













Paola Pigani est une auteure française née en Charente.Domiciliée à Lyon, éducatrice de jeunes enfants, Paola Pigani est née en 1963 de parents italiens émigrés en terres charentaises. Son enfance au milieu d'une famille nombreuse et l'apprentissage du silence, de la contemplation et de la lecture avec une aïeule d'origine slovène, la préparent à la découverte de l'écriture poétique. Pendant ses huit années de pensionnat, elle lit, à la lueur d'une lampe de poche, Cocteau, Rimbaud, Kafka, Rilke, Le Clezio, Pavese... Des lieux de son enfance, de ses voyages en Italie, dans les pays de l'Est, au Canada et des villes de France où elle a habité, elle a gardé en tête un vivier d'images qui viennent s'insinuer dans son écriture à des moments inattendus. Depuis une vingtaine d'années, elle partage son temps entre le monde de l'enfance et l'écriture.

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