Difficile de juger ce récit sur ses qualités littéraires, pourtant bien présentes : comment dire l’indicible, de partager l’indécente douleur qui accompagne l’une des plus injustes peines que nous vaut la faculté d’être mère, lorsque Dieu ou diable, ou est-ce la cruelle fatalité de notre destin de mortel, vous ravissent le petit être qui vous a été pour un court moment confié?
C’est avec délicatesse et mesure qu’Helene Machelon donne la parole à tous ceux qui furent les témoins éphémères de ce chemin de croix : la pédiatre qui ouvre le récit, l’infirmière, le clown qui vient chercher les sourires, et même la « punaise » de l’administration, maladroite s’il en fût. Les parents enfin, pris dans un cataclysme qui les dépasse, les broie sans indulgence.
Loin de toute rancoeur, c’est plutôt un hommage rendu à tous ceux qui ont accompagné, écouté, pris soin, soulagé et qui se sont unis pour croire jusqu’à la fin au miracle.
Le temps est loin où, avant de me lancer avec passion dans ces longues années d’études, je me délectais des romans de Soubiran, Journal d’une femme en blanc, vivant comme autant de promesses les cas désespérés qui créaient le pathos de cette série naïve. Quelques décennies plus tard, ce sont des prénoms gravés à jamais qui surgissent au fil des pages, des prénoms d’enfants réels, dont les histoires font parfois douter de soi. C’est pourquoi ce récit me touche beaucoup, plus sans doute que ne pouvait l’imaginer l’auteur en me proposant la lecture de ce récit.
Merci à elle pour la délicatesse et la justesse , et pour ce vibrant hommage à la petite Rose, qui a cessé de souffrir mais qui quelque part perçoit peut-être combien elle a été aimée.
#TroisPetitsTours #NetGalleyFrance
Une douleur aiguë court le long de ma nuque et me rappelle le poids que je porte. Elle se réveille insidieuse comme une crampe, les nuits que je passe à gamberger en m'usant les yeux sur les rapports des dernières découvertes de confrères à l'autre bout du monde. Je déteste lancer des paris trop risqués sur des vies tout juste commencées et je tremble à l'idée que nous fassions fausse route. Finalement, je suis condamnée à chercher et à n'avoir jamais l'esprit pleinement serein.
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Saviez-vous que les petites filles naissent pour faire tourner leur jupon de princesse jusqu'à s'étourdir, pour massacrer les bâtons de rouge à lèvres en se tordant les chevilles sur les escarpins de leur mère, pour sauter sur les lits et s'admirer dans le grand miroir de l'entrée en récitant des poèmes ?
La mienne aussi.
Enfin, c'est ce que je croyais.
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Lorsque j'ai débuté, je prenais le temps avec chacun d'écouter son histoire, j'écarquillais les yeux, me courbant devant tant de souffrance. Maintenant c'est terminé, je suis fatiguée.
J'ai trop pleuré, enduré trop d'insomnies, hantée par d'effrayants cauchemars où de petits fantômes harcelaient mes nuits. Et à quoi bon en somme me rendre malade à mon tour, ces parents sont inconsolables, quoique vous fassiez, quoique vous disiez, c'est peine perdue. Il n'y a rien à faire pour eux.
Hélène Machelon, née en 1978, vit autour du monde : Alger, Mexico et aujourd’hui à Hanoï. Décoratrice dans l’événementiel, artiste peintre et mère de trois enfants.
Merci Chantal pour votre très belle critique qui me touche. Votre regard de médecin est précieux, vous avez su être juste.
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