Lilyane Beauquel
Donner mes impressions sur ce récit m’intimide : mes mots seront indigents devant la beauté troublante de cette écriture qui dit l’indicible. c’est l’une des proses les plus poétiques qu’il m’ait été donné de lire depuis longtemps. Avec des accents rimbaldiens : on croit apercevoir ce «trou de verdure où chante une rivière» lorsque la nature exhibant inexorablement ses saisons ignore les déflagrations et la chair offerte dans les tranchées infâmes. La vie s’accroche aux souvenirs et aux bribes des nouvelles lointaines, et à l’espérance d’un avenir meilleur, pourtant mutilé par les oublis impossibles, et les séquelles physiques. Mais la mort est là, présente, inéluctable, fauchant une à une les âmes qui ne sont plus certaines d’être humaines; l’ennemi n’est qu’un autre soi-même, et parfois l’alliance est à portée d’un tir : les officiers sont là pour détruire cette aspiration tacite.
Un mot-clef ouvre chaque chapitre, qui égrène le temps qui passe au rythme des saisons, impression furtive, acte de barbarie, joie infime...., bribes et lambeaux d’une mélopée funèbre, requiem pour une jeunesse immolée sur l’autel de vains idéaux belliqueux.
Ils enterreront leurs rêves de paix dans la boue mêlée de sang, Otto, Heinrich le photographe, Nathan et Simon le poète narrateur et des millions d’autres qui n’ont pas eu le temps de comprendre l’enjeu de leur présence sur ces terres étrangères, de réaliser l’immensité du mensonge qui les a précipités au sein de ce carnage
J’aurais hésité à me plonger dans ce livre si j’en avais connu le thème : encore un livre sur la guerre....Cela aurait été une erreur. C’est un livre sur la conscience, sur la fragilité du destin, sur la possibilité d’éprouver un sentiment de beauté devant un détail aussi ténu qu’un brin d’herbe si celui-ci affleure au creux d’un sillon de terre souillée de sang humain.
c'est toujours un jour magique quand un nouveau lecteur communique ses impressions! merci à vous !
RépondreSupprimerLilyane
Et quel bonheur de lire votre message et de pouvoir directement vous remercier pour ce moment de lecture qui restera profondément marqué en moi. J'ai eu du mal à passer à autre chose. Je me suis aussi posée beaucoup de questions sur l'origine de ce texte et les motivations qui vous ont poussée à l'écrire.
RépondreSupprimerU n coup de foudre pour un cimetière triste et beau et le retour en vrac d émotions enfouies et la recherche de voix non tues...
RépondreSupprimerQuel beau commentaire ! et quel merveilleux échange avec Lilyane Beauquel.
RépondreSupprimerC'est grâce au club des lecteurs numériques que je viens d'ouvrir la page de ton blog, et je pense que je vais le feuilleter longuement : ta plume me plaît beaucoup !
(http://livresouverts.canalblog.com/)
Je transcris ici le même commentaire que sur le blog du Cub des LN.
RépondreSupprimerVotre critique positive m’a conduit à télécharger un extrait de ce beau roman que j’ajoute à ma liste à lire. Merci en tous cas de parler de livres qui font moins l’actualité et méritent le détour.
Je ne vous entretiendrai pas ici sur les idées qui s’entrechoquent dans ma tête quant au livre numérique que je découvre à peine. Tant d’idées contradictoires que j’ai peine à émettre ne fût-ce que un avis clair sur leur coût. Je note qu’il est environ 30% moins cher que la version papier.
Merci à tous pour ces encouragements
RépondreSupprimerLilyane, je comprends cela : on éprouve également un très étrange sentiment de sérénité dans ces immenses étendues plantées de croix blanches des cimetières américains en Normandie, au point de ne pas oser parler à voix haute.