- Poche: 496 pages
- Editeur : Folio (5 avril 2013)
- Collection : Folio
- Langue : Français
- ISBN-10: 2070450899
- ISBN-13: 978-2070450893
Si Emmanuel Carrère ne m’avait pas auparavant envouté par sa manière de mettre magistralement en écrit (comment peut-on dire «couché sur le papier» quand on se fait éditer en ePub?) de sordides récits de deuils, de pertes, de douleur, je n’aurais certainement pas fait l’effort de faire la connaissance de Limonov, ce personnage avec qui je n’ai aucune affinité. Mais encore une fois, le charme a opéré. Non que je ressente le moindre sentiment positif pour le héros (?), tout au plus un peu de pitié, mais cette plongée dans l’histoire de la Russie au cours des 50 dernières années a quelque chose d’édifiant, d’extrêmement angoissant également (quels mécanismes invoquer pour expliquer chez un être humain la prépondérance de la haine, le plaisir de tuer, et l’absence totale de compassion? Est-ce juste un concours de circonstances avec des carences diverses et une opportunité d’appartenir à un groupe, fut-il armé et destructeur? Peut-on se regarder en face, sans doute que non, puisque l’alcoolisation jusqu’au coma est une sorte d’échappatoire).
Revenons à Limonov : enfant unique, mère très dure, père peu valorisant, ce contexte amène Edouard à s’acoquiner avec les voyous de Kharkov, à la recherche déjà d’un statut de chef de bande. Les exactions diverses, peu glorieuses, auxquelles il se livre le lassent rapidement. C’est finalement le statut de poète qui le tente (le poète a une aura très positive en Russie d’autant plus qu’il n’est pas reconnu : c’est intrinsèquement un loser, ou alors c’est un vendu, un traitre. La concurrence fait rage car ils sont légion et ne devient pas vedette underground qui veut. Après avoir fait le tour de cette communauté artistique, tout en taillant des pantalons pour gagner sa vie, l’émigration semble être la solution pour des lendemains plus glorieux.
L’arrivée aux Etats unis et les tentatives de se raccrocher à la jet-set sont assez sidérantes, mais restent sans succès : il va y survivre dans des conditions difficiles, avec dans la période la moins austère un boulot de larbin chez un milliardaire. Il y perd également sa compagne (rêvant d’une vie de topmodel elle va rapidement déchanter). Il écrit, sans succès immédiat, en prose, son épopée new-yorkaise. Lorsqu’un éditeur l’accepte il quitte New York et se retrouve à Paris, où il reste neuf ans, à l’époque de la décomposition du bloc soviétique.
A son retour en URSS, les choses sont en train d’évoluer. Son besoin d’action l’entraine sous différentes casquettes (reporter, soldat) au coeur des complexes conflits balkaniques. Ses opinions politiques prennent corps et se durcissent : il se dévoue corps et âme pour le parti national-bolchévique, créant un journal, Limonka, et rassemblant autour de lui nombre de partisans d’obédiences variées, voire opposées. Enfin, la période d’isolement dans l’Altaï, suivie des années de prison, révèlent une autre facette du personnage, assez suprenante
Qu’est ce rend ce texte attrayant? Sans doute le ton employé, celui d’une conversation entre amis, («j’en ai une bien bonne à te raconter....) longue et complexe, certes mais le style est celui d’un échange informel,naturel avec les expressions populaires voire vulgaires du langage courant, et c’est d’autant plus méritoire que le sujet est complexe et l’histoire rocambolesque. Cette synthèse de mes impressions n’est qu’un pâle reflet des multiples aventures de Limonov (j’ai presque totalement passé sous silence le récit de ses amours, à l’image du reste : complexe et tortueux). Le futur lecteur est sûr d’une chose : ne pas s’ennuyer.
Cette lecture m’aura -t’elle donné l’envie de découvrir les écrits de Limonov : peut-être sur une île déserte, sans autre possibilité.....
Lu sur Sony reader T1
En partenariat avec le Club des lecteurs numériques
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