Pierre loti, quinquagénaire, officier de Marine, relate ici son séjour en Asie au cours de l’année 1901. C’est le troisième volet d’une série consacrée à l’Asie, après Madame Chrysanthème et Japoneries d’automne. L’auteur revient donc à Nagasaki, sur les lieux qui ont vu son mariage fictif avec madame Chrysanthème, mariage arrangé par un agent local selon un bail renouvelé mensuellement! Ce sont donc des retrouvailles, à la fois avec les membres de sa belle famille factice, mais aussi avec la ville, qu’il compare avec celle de ses souvenirs, à la fois différente :
«le bienfaisant progrès y a marché si vite, que c’est à ne plus rien y reconnaître»,
et semblable :
«il y a toujours un étonnement à retrouver, dans des pays très éloignés, et après de longues années qui ont été remplies pour vous d’agitations et de courses par le monde, à retrouver de pauvres petites choses demeurées immuables, d’infimes petites plantes qui continuent de végéter aux mêmes places».
Il côtoie lors de ce séjour, entrecoupé par des escales en Chine et en Corée, qui ne souffrent pas la comparaison avec le Japon, pays de tous les fantasmes, fascinant et inquiétant à la fois. Fascinant par les paysages, façonnés au rythme des saisons (le récit survole différentes périodes de l’année, et met ainsi en valeur les profonds changements qu’induisent les conditions météorologiques), la nature est très méticuleusement observée et cette contemplation aboutit parfois à des réflexions philosophiques, en un curieux raisonnement de «dessein intelligent» :
« Ainsi, entre mille exemples, les épines à la tige des roses semblent bien témoigner que, des millénaires avant la création de l’homme, on avait prévu la main humaine, seule capable d’être tentée de la cueillir. Mais alors pourquoi n’avoir pas su prévoir aussi le couteau ou les ciseaux qui viendraient plus tard déjouer ce puéril moyen de défense?
De ces descriptions, on note aussi le caractère extrêmement coloré : fleurs, vêtements, ciel, mer, cimetière sont abondamment décrits en terme de teintes.
Quant aux relations qu’entretient l’auteur avec la gente féminine, elles sont d’une étrange nature. Fasciné par les jeunes corps asexués des geishas, il laisse régner un flou artistique sur l’âge des autres femmes qu’il rencontre, et avec lesquelles se créent des échanges équivoques. Si l’on ignore le contexte de ce récit, on pourrait croire que l’auteur est un jeune homme naïf et inexpérimenté, ce que dément le survol de sa biographie.
L’écriture est quelque peu désuète, par le vocabulaire et l’orthographe utilisés mais reste agréable et très suggestive de la beauté de l’île de Kyushu.
Les Obsèques de Pierre Loti (1923) par le_FAR
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