- Poche: 90 pages
- Editeur : Les Editions de Minuit (3 avril 2014)
- Collection : Double
- Existe en version numérique
- Langue : Français
- ISBN-10: 2707323772
- ISBN-13: 978-2707323774
Comme d’habitude avec Jean Echenoz, concision et clarté se mêlent à un subtil travail de la langue pour ciseler un petit bijou.
Une année dans une vie c’est peu est c’est largement suffisant pour que tout bascule. Victoire se réveille un matin auprès du cadavre de l’homme avec qui elle vit. Le flou artistique qui flotte sur la soirée précédente l’incite à fuir, avec le contenu de son compte en banque. La somme suffisamment rondelette pour voir venir, va cependant au gré des rencontres fondre comme neige au soleil, et du dénuement à l’indigence, Victoire survit. Jusqu’à ce que….
C’est un curieux parcours spirituel sans quête, qui renvoie aussi à la fragilité du statut social, et à l’engrenage infernal du rejet.
L’écriture est d’une efficacité redoutable, l’humour, grinçant, et la mise en scène du décor, qui participe au récit presque comme un personnage à part entière, laissant admiratif. J’en veux pour preuve les premières lignes où, après la découverte du corps de Félix, Victoire se retrouve dans une gare où tous les éléments du décor évoquent encore la mort : « l’anthracite vernissé des quais, le béton fer brut des hauteurs et le métal perle des rapides pétrifient l’usager dans une ambiance de morgue. Comme sortis de tiroirs réfrigérés, une étiquette à l’orteil, ces convois glissent vers des tunnels qui vous tueront bientôt le tympan ». Ça vous calmerait l’envie de prendre le train…
Idéale lorsque qu’on dispose d’une heure à tuer (!) : salle d’attente, quai de gare…
Pourtant pareils à leurs prochains et réduits au servage, les conifères ont avec leur indépendance abdiqués jusqu'à leur identité, leur déjections même fournissent un sol de décorateur diplômé : moquette blonde à motifs, lit d'aiguille satinée décoré d'une branche morte par-ci, d'une pomme de pin par-là, traitée anti-tache et anti-feu. Pour animer le tableau, un service minimum de palombes, ragondins, écureuils et d'autres encore crée des diagonales et pousse des cris, le vent froisse les arbres en harpes, les scies mécaniques sanglotent au loin.
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