- Broché : 308 pages
- Editeur : Grasset (19 janvier 2005)
- Collection : Les Cahiers Rouges
- Existe en version numérique
- Langue : Français
Antoine Bloyé, c’est vous, c’est moi, c’est tout le monde, c’est personne…Et pourtant, elle raconte tant sur notre monde du vingt-et-unième siècle, cette vie banale, cette vie de travailleur, la vie de cet homme qui, dira-t-on plus tard, a su profiter d’un ascenseur social.
Né dans une famille humble, pourtant déjà mieux lotie que ne l’étaient ses parents, Antoine fait partie de ces quelques élèves « remarqués pour leurs capacités, et que l’on considère dignes de bénéficier d’un enseignement complémentaire un peu plus étoffé que le certificat d’études. Pas par bonté d’âme, mais par pragmatisme : l’industrie est en plein essor et réclame des bras et des cerveaux, et il faut former des travailleurs. C’est ainsi qu’il se retrouve aux Arts et Métiers à Angers. Studieux et compétent, ouvert sur le monde qui éclaire d’un jour neuf l’humilité de ses origines.
Le parcours est sans surprise, diplôme, errance affective jusqu’à ce que des parents soucieux de caser leur fille ne posent une option sur le jeune homme prometteur.
Et c’est la réussite, pour un temps, pour les apparences, comme en témoigne le train de vie.
Trop âgé pour partir au front, c’est tout de même la guerre qui rattrapera notre homme pour une fin de carrière dans la déchéance.
C’est la politique du verre à moitié vide qui se dessine chapitre après chapitre, et on imagine l’exercice qui consisterait à reprendre le même déroulement avec le verre à moitié plein! Il vaut mieux en effet avoir un moral d’acier pour ne pas sombrer dans le désespoir face au constat des manipulations dont nous sommes l’objet, par des êtres eux-aussi manipulés. La question est : qui est le maitre des manipulations?
Le recrutement, la formation des travailleurs résultait d’une vision à court terme, bousculée sans état, d’âme par la guerre, et intégrée dans un plan d’ensemble obscur. Mais si l’on compare à notre situation actuelle, on a bien l’impression qu’il n’y a plus de plan du tout, et que le navire glisse sur des eaux incertaines ayant perdu tout plan de route.
C’est écrit simplement, sans lyrisme, sans effet de manche, est c’est d’autant plus efficace.
Ce pays enfermé au fond des hauteurs de la rade de Brest est une contrée verte et claire-obscure pénétrée doucement par les estuaires que tachent des bancs de vase herbeux et arrondis comme des gouttes de cire sur l'eau. C'est un séjour autrefois choisi par des personnages miraculeux ; tout le Finistère est habité par les miracles : il dissimule sous des boqueteaux des fontaines guérisseuses et prophétiques où les filles courent lire leur avenir et l'histoire de leurs amours ; des rochers portent des empreintes de genoux gravées dans le granit par le poids des saintes en prières et les creux gravés par le corps des saints nouveau-nés pour qui le granit se faisait plume et laine.
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Il saura trop tard que son père faisait partie de l'espèce humaine dont les derniers défenseurs tombent alors dans le quartier du père Lachaise. Jean-Pierre Bloyé n'enseigneraient ait rien non plus : aucune pensée de révolte n'effleure ce paysan déraciné que courbent sur sa tâche et sa misère le respect des puissants, l'ignorance, le sentiment d'un destin et d'une nécessité inébranlable.
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Et ils le surnommaient le Pur-Sang. Mais cette force s'usait sur la meule d'un travail étranger, il ne l'utilisait pas pour son propre compte, il ne la faisait pas servir à un développement humain, il la consumait au profit des gens qui le payaient, des actionnaires anonymes et d leurs intérêts abstraits. C'est le malheur de bien des hommes.
Paul-Yves Nizan est un romancier, philosophe, et journaliste français.
Fils d’un ingénieur des chemins de fer, il fait ses études secondaires à Paris au lycée Henri-IV où il fait la connaissance de Jean-Paul Sartre en 1917. Il est reçu à l’École normale supérieure en 1924,
Fils d’un ingénieur des chemins de fer, il fait ses études secondaires à Paris au lycée Henri-IV où il fait la connaissance de Jean-Paul Sartre en 1917. Il est reçu à l’École normale supérieure en 1924,
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