Agnès de Clairville
Recourir à la fiction pour exorciser sa propre histoire : Agnès de Clairville l’annonce d’emblée. Puisque les lois sont ainsi faites que la reconnaissance tardive est impossible, que le viol est prescriptible, comme si le temps effaçait le forfait, et qu’il existait un délai au-delà duquel la victime cesserait de vivre les conséquences de l’agression.
Le roman met en scène une galerie de personnages qui gravite autour d’une jeune fille, douée, cadrée par les principes éducatifs d’une famille qui s’accroche à la tradition. Lorsqu’Arielle découvre une certaine forme de liberté dans une école d’ingénieur, elle y explore avec avidité les promesses d’une sensualité naissante.
Le roman s’ouvre sur un épisode de bizutage violent, bête, consacrant l’humiliation comme un but à atteindre. Mais l’épreuve ne semble pas déplaire à Arielle, prête à tout pour s’intégrer et bien montrer qu’elle n’est pas farouche. Et pourtant les expériences qui suivront révéleront les fragilités d’une adolescente, sa dépendance maladive, et la faille qui la relie à l’histoire familiale.
C’est toute la difficulté de la notion de consentement, dont dépend l’accusation de viol, qui transparaît dans ces lignes. Au point que cette conscience d’avoir été une victime peut ne pas être évidente au moment des faits et ne ressurgir que des années plus tard. Ce qui pose aussi le problème de la prescription qui protège les coupables.
Thème très actuel depuis quelques années, ici développé sans dénonciation ciblée, d’autant que le récit se veut être une fiction.
280 pages Harper Collins 24 Août 2022
Je ne sais pas ce qui m'a pris de me mettre en robe. C'est comme si des serpents vicieux susurraient sur mon passage, à croire que ces mecs n'ont jamais vu les jambes d'une fille. En référence au discours de la semaine dernière, certains m'ont même lancé « alors, tu gères ? ».
*
Je ronge mon frein en essayant de ne pas exploser. Elle n'a pas 17 ans et envisage de dormir chez des amis, peut-être un garçon.
Comment éviter le pire ? Comment éviter qu'elle se précipite naïvement dans les bras du premier venu ? Qui ne manquera pas de l’abuser, cette belle confiance toute neuve. Comme la mienne quand je me suis précipitée dans les filets de François.
Agnès de Clairville est née en 1968 en Normandie et vit aujourd’hui à Marseille. Scientifique de profession, elle a d’abord travaillé la photographie avant de se dédier à l’écriture. La poupée qui fait oui est son premier roman.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire