Benoît Hopquin
Pour cette génération de paysans français, les mots sont un luxe dont il ne faut pas abuser.
« Ça inhibe, forcément, de telles leçons de mépris, ça fait réfléchir à deux fois, la perspective d'une taloche à chaque erreur lexicale, ça renforce l'idée que les mots sont des pièges et même des ennemis de classe. Ça incite un peu plus à se taire. »
Alors en réponse au « Faut me le dire » de Jeanne, « Faut qu’on y aille » représente une détermination farouche et définitive pour accomplir le souhait de la jeune femme.
Nous sommes entre les deux guerres. Anselme et Clovis ont vu dans leur corps et leur âme le horreurs des tranchées, et surtout, Anselme y est resté. Anselme qui n’aura connu sa fille que dans le court intermède d’une permission éclair. Pourtant sa disparition a laissé un doute à ses deux compères.
La promesse les engage, ils partent sur le chemin qui les ramène sur les lieux où ils ont connus l’enfer, en compagnie de Jeanne, qui ne reviendra pas sans élucider le mystère qui entoure l’absence d’Anselme.
Hormis le fait que la guerre est particulièrement bien évoquée, et que l’auteur parvient à nous faire ressentir les émotions et le raz de marée psychique subis par les poilus, gueules cassées parfois, âmes brisées, toujours, on nous convie à une magnifique histoire, d’une quête des origines qui sort de l’ordinaire, avec une belle surprise dans le déroulement de cette intrigue.
On s’immisce également dans le quotidien d’un pays profondément rural, et si loin des délires de conquêtes des puissants, qui ne mettront jamais en balance l’intérêt de déclencher un conflit et la vie de millions d’hommes jeunes.
Un très beau roman de la guerre et de ses absurdités, une magnifique histoire d’amour familial qui survit à la mort, avec cette volonté de réparer dans la mesure du possible les outrages de la violence imposée.
Un superbe premier roman.
Merci à Netgalley et aux édition du Seuil.
352 pages Seuil 2 mai 2025
#LeSoldatperdudeJeanneBonheur #NetGalleyFrance
Ça inhibe, forcément, de telles leçons de mépris, ça fait réfléchir à deux fois, la perspective d'une taloche à chaque erreur lexicale, ça renforce l'idée que les mots sont des pièges et même des ennemis de classe. C'est incite un peu plus à se taire.
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Il ne disait pas que Dieu n'existait pas, Anselme, il n'avait pas cette prétention déicide. Il disait juste qu'il n'avait plus envie qu'il existe. Mettons que Dieu était un autre copain qu'il avait perdu sur le champ de bataille.
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Même les morts sont demeurés droits et debout. Plus encore les morts. Eux, ils n'auront pas connu l’effroi de l'après, de la peur rétrospective qui vous fracasse, et vous avilit quand on ne s'y attend plus et vous transforme en bête peureuse féroce.
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C'est parce que nous, nous savons mortels que nous avons inventé l’immortalité.
Benoit Hopquin est spécialiste de la Diversité au journal « Le Monde »
Benoît Hopquin est journaliste au Monde à la rubrique environnement
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