- Broché: 154 pages
- Editeur : Flammarion (9 janvier 2019)
- Collection : LITTERATURE FRA
- Langue : Français
Si jour après jour Alma porte symboliquement des valises de plus en plus encombrantes, c’est que malgré les examens médicaux, le mal qui ronge Billie, reste un mystère. Alors , pour le dire avec des fleurs, Alma l’imagine bien, ce chardon qui se développe dans les poumons de sa fille.
Malgré l’infinie complicité qui les unit, l’angoisse gagne du terrain, tant la perte est possible. et rien ne peut venir à bout de ses pensées morbides , même pas son métier passionnant de bouquiniste. Lorsqu’elle accepte de se rendre en Bretagne pour rencontrer un bibliophile qui lui dit posséder un exemplaire de valeur, elle ne se doute pas de ce qui l’attend au bout du voyage.
L’histoire en elle même est émouvante, on se met à la place de cette mère dans le désarroi, avec un couple qui va mal et l’angoisse permanente pour la jeune fille. Mais surtout dès les premières lignes on est séduit par cette écriture si douce, si délicatement imagée, des phrases de dentelle. La moindre description , la moindre évocation des couleurs , des odeurs prend une allure de poème, alors que surgissent dans la prose raffinée des expressions qui nous font atterrir dans une temporalité bien actuelle. Ça donne des paragraphes étonnants comme celui-ci :
« Alma descend la rue sans vraiment la voir. Elle est encore éprise dans le filet du sommeil, il y a des images effilochées d’un rêve qui frétillent au fond, qu’elle voudrait attraper. Elle croise son voisin au pantalon bouffant, l’étincelle brève de son regard et de son sourire qui veut dire « va chier ».
Enfin, on aime la force du lien qui unit Alma et sa fille, lien qu’elle n’hésite pas à qualifier de fusionnel. Comment s’en sortiront-elles? C’est là le coeur du récit, qui peut aussi couper le souffle du lecteur.
Depuis quand Alma se sent-elle comme ça? Vide? Au bord du monde? Comme si elle penchait légèrement? Elle ne sait pas le dater exactement, même si elle situe le moment à la fin de l'enfance. Etait-ce quand elle a pris douze centimètres en un été? Elle avait alors poussé comme un plante sauvage, et était soudain devenue la plus grande de la classe, la plus "femme" aussi. Elle avait alors adopté une posture un peu courbée, comme pour s'excuser.
*
Alma ne s'attarde sur rien, son regard ne cherche pas à retenir ou à expliquer, il engrange du beau là où il est disponible. sans trier, il passe de l'humidité d'un regard au vert d'un tilleul/
*
L'hôpital de bille n'est accessible qu'en train. C'est ainsi qu'Alma trace chaque matin ses grands pas d'animal traqué dans la poudreuse, sa combinaison de guerrière duveteuse sur la peau. A chaque station, quand les portes se ferment, son coeur rétrécit dans sa poitrine. Alors dans les oreilles, elle a de l'onctueux. Du coroner, du sirupeux, du féérique. Tandis que la grande banlieue défile sous son regard, c'est Cole Porter, Nat King Cole, ou Franck Sinatra qui la prennent dans leurs bras.
Constance Joly travaille dans l’édition depuis une vingtaine d’années et vit en région parisienne. Le matin est un tigre est son premier roman (Flammarion, 2019).
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