Michel Onfray
Albert Camus, récompensé par le prix Nobel en 1957, est plus étudié sur les bancs des classes littéraires que pour la dimension philosophique de son oeuvre. Et pourtant, Camus est un philosophe : c’est la thèse que défend Michel Onfray dans cet ouvrage.
Tout commence par l’enfance algérienne dans un milieu très démuni, tant sur le plan matériel que culturel et dont il émerge pour une vie de réflexion permanente grâce à son instituteur, Louis Germain, substitut d’un père pour ce pupille de la nation. Camus étudiant, suivra un temps les traces de son professeur de philosophie pour à terme n’en retenir que le meilleur et oublier le pire. Il ne sera pas aussi indulgent pour ceux qui l’ont brièvement adulé pour mieux le rejeter, c’est à dire l’élite auto-proclamée germano-pratine des années 60, avec en figures de proue Sartre et Beauvoir : nés avec une «cuiller d’argent conceptuelle dans la bouche, il leur est facile de toiser l’émigré pied noir né d’une mère muette et illettrée; Michel Onfray se charge de redresser les torts en rétablissant selon des sources publiées et donc vérifiables l’opportunisme très contestable de ces intellectuels qui se gargarisent de joutes verbales dont le jargon si possible inaccessibles au commun des mortels, les isole et confine leurs échanges au philosophiquement correct (universitaire, diplômé, reconnu). A la différence de ces derniers, Camus à la manière d’un Diogène ou d’un Démocrite, vit sa philosophie, autant qu’il la pense, avec un détermination sans faille. C’est un phénoménologue pragmatique, puisant ses sources d’inspiration dans ce qu’il a vécu, observé et analysé. Il se rapproche en cela de la philosophie nietzschéenne, qu’il a attentivement étudiée (Une exemplaire du «Gai savoir» a été retrouvé dans la voiture accidentée où il avait pris place pour son dernier voyage.
Une partie importante de l’ouvrage est consacré à la guerre : Algérie, seconde guerre mondiale. Pour en condamner l’inhumanité, les actions indignes «un homme, ça s’empêche» disait son père. A noter la violence des photographies insérées au centre du livre.
Inscrit pour une courte période au PC, Camus s’en détache rapidement car il n’adhère pas au mode fonctionnement du parti, et surtout à la politique de camps des soviétiques. C’est en fait l’anarchie, dans son acception primitive et dont l’idéal (selon la Fédération anarchiste) consiste à réaliser «une société libre, sans classes ni Etats, sans patrie ni frontières», que le philosophe prône, en «pragmatique soucieux de lier l’idéal et la réalité».
C’est donc le portrait finement analysé d’un homme qui a «sévèrement dénoncé la misère du peuple kabyle alors que les intellectuels européens ignoraient pour la plupart qu’il y eut une Kabylie», d’un philosophe opposé à la peine de mort, d’un journaliste anticolonialiste, d’un socialiste libertaire, d’un nietzschéen de gauche, épris de l’Algérie, d’un artiste anarcho-syndicaliste qui se méfie des idéologies, et à l’origine un fils de pauvre dans un quartier miséreux d’Alger, qui deviendra boursier de l’école républicaine puis prix Nobel de littérature. dans cet énoncé, on ne peut que remarquer les nombreux points communs qui réunissent l’auteur et Camus, ce qui peut expliquer l’intérêt du premier pour le second.
Bien entendu au cours de l’exposé, une analyse des principaux écrits, La Peste, l’Homme révolté, Caligula... est proposée à la lumière de cette personnalité exceptionnelle.
Comme d’habitude avec Michel Onfray, j’ai beaucoup appris, car l’ensemble est très didactique et clairement énoncé, pour que les non spécialistes s’y retrouvent
Un bémol pour l’édition (papier) : on trouve trop de coquilles, de mots mal coupés, de majuscules intempestives ce qui est inexcusable pour un éditeur de renom.
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