Abonnés

Nous sommes éternels

Pierrette Fleutiaux





  • Poche: 943 pages
  • Editeur : Gallimard (2 octobre 1992)
  • Collection : Folio
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2070385485
  • ISBN-13: 978-2070385485











C’est une tâche ardue que de synthétiser sans trahir un récit-fleuve. Le petit ruisseau qui en résulte n’est qu’un pâle reflet de la complexité ressentie.
Ce sont  longues confidences que la narratrice livre à une rédactrice virtuelle, qui devient la détentrice de lourds secrets de famille, lentement distillés au fil des pages.

L’histoire commence avec les premiers souvenirs d’Estelle, lorsque sa conscience s’est éveillée, à la naissance de Dan.Ces deux-là, ce couple indissociable, se sont construits sur des fondations mouvantes,, les briques qui forment l’édifice sont scellées avec un ciment fragile, nourri par l’imagination fertile de l’enfance : des bribes de phrases, de simples mots, les courtes scènes d’un décor incompris sont le terreau d’une histoire phantasmée. 

Le discours offre peu de répit au lecteur : la logorrhée imprime son rythme au récit, reflet d’un délire exutoire et cathartique. Point d’ennui cependant, la magie opère et l’on est embarqué sans résistance. Les révélations finales constituent le point d’orgue qui d’une construction lente, peu à peu annoncée, révélée à petites touches. C’est un tour de force que de réussir à garder captive l’attention du lecteur sur un si long monologue. L’écriture et la puissance du personnage narrateur en sont la source.
L’auteur a une façon de dire les choses sans les dire tout en les disant : c’est ainsi qu’Estelle qui passe un an à New-York sans être capable d’en parler, sans avoir vu tout ce que l’on peut y voir, permet quand même au lecteur de visiter la ville. Et il en est ainsi de l’histoire, c’est sans fracas, à petites touches que des événements dramatiques et fondateurs sont amenés.

C’est avant tout une histoire d’amours, qui se rient des tabous, mais s’enferment dans des silences mortifères. L’écriture est le support de la résilience, quand les révélations viennent altérer le sens d’une vie construite sur des mensonges. 

Autant dire que ce roman comptera parmi les livres qui marquent : on ne sort pas indemne d’un tel récit.

Challenge Babelio Pavés 2015-2016




Le malade peut à peine parler mais la voix de la maladie est triomphante, elle étale avec une impudeur effroyable ses enflures et ses crevasses, de lionnes mendiants de Bosch sont pitoyables, mais grossis par la loupe, les hommes disparaissent. il ne reste plus que la maladie, la radieuse, exubérante maladie.

*

Attirer le regard.
L'expression est si banale, mais si l'on pense que le regard attiré a sa source dans des yeux, que ces yeux sont comme des lacs dans une tête, que la tête elle-même est comme un sommet sur un corps, que ce corps d'où s'élance le regard peut se mouvoir, prendre des trajectoires, on comprendra la force que peut révéler cette attraction exercée sur les regards : une force à déplacer les montagnes.

*

Alors je me demande lequel, de l'avenir ou du passé, influe l'un sur l'autre, si le temps n'est pas plutôt une immense étendue plate couverte de fils se rejoignant en tous sens, si tous ceux qui veulent chercher une histoire ne font pas que s'y empêtrer, tirant au hasard dans leurs mouvements une figure toute aussi bien qu'une autre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Articles populaires