- Broché: 279 pages
- Editeur : Piranha Editions (6 janvier 2015)
- Existe en version numérique
- Langue : Français
- Traduction (Allemand) : Nelly Lemaire
- ISBN-10: 2371190160
- ISBN-13: 978-2371190160
C’est très tendance de réincarner des icônes, qu’elles soient guerrières, politiques, de sinistre renom ou plutôt appréciées, et de les parachuter brutalement dans notre époque. Eva Baranski a jeté son dévolu sur Mozart, qui, au lieu de simplement passer de vie à trépas, meurt certes, mais se réveille à Vienne, au début du vingt et unième siècle. Imaginez son désarroi. Tout ce qui l’entoure lui semble incongru : les vêtements, la façon dont les gens parlent, le décor…dont il apprécie d’ailleurs certaines qualités (ah, ce papier fin : n’est-il pas destiné à recueillir les dernières notes du requiem, chef d’oeuvre laissé pour compte par son créateur, par manque de savoir-vivre involontaire).
Alors quand il se retrouve dehors, dans la rue…on comprend son désarroi. Chaque minute qui passe est une plongée dans un gouffre d’incompréhension. Son premier trajet en voiture, la plaque qui est scellée sur le mur de son adresse, cette drôle de folie qu’ont les passants à parler dans des petites boites qu’ils collent à leurs oreilles, rien n’a de sens.
Assez fataliste, il accepte l’hébergement de fortune qu’un violoniste lui propose, et finit par étonner les clients du café par l’étendue de son talent musical…Est-ce suffisant pour se faire une place en 2004 en Autriche?
Mozart ne peut qu’être sympathique, c’est un personnage fédérateur par son génie confiant à la folie. Mais il n’est pas le seul qui contribue à l’agrément de cette lecture. Son ami polonais, les femmes qu’il rencontre sont de fabuleux personnages, profondément humains.
C’est drôle,et superbement bien écrit. L’auteur est une grande admiratrice du musicien, et son écriture en devient musicale, symphonique, rythmée. Sacrée bonne idée d’imaginer Wolfgang faisant un boeuf dans un caveau jazzy. Car il ne découvre pas uniquement la modernité technologique, mais aussi de nouveaux sons, de nouveaux instruments et des possibilités infinies d’écouter ou de jouer la musique.
Et puis la scène d’effeuillage synesthésique est un morceau d’anthologie :
« Presque mélancoliquement, il caressa ses petits seins nus. Elle joua un brusque glissando descendant et se pencha tellement en arrière sur un interminable et sombre si bémol que le chemisier glissa de ses épaules.
Puis de façon dissonante, elle joua un si bécarre ; Wolfgang se figea jusqu’à pouvoir comprendre ce qu'elle faisait. Elle ne jouait le vibrato que d’une main tout en secouant l’autre bras pour en faire glisser la manche et elle répéta l’opération avec la même ravissante évidence. Cette fois, un do dièse retentit dans l’espace bleu noir. Fasciné, Wolfgang la regarda en se demandant s’il pourrait désormais penser à un do dièse sans revoir cette scène devant lui. »
Point n’est besoin d’être un fan de la petite musique de nuit ou de Cosi van tutte pour apprécier la lecture, mais si l’on est mélomane, on rêve d’avoir l’opportunité de croiser un ressuscité de cet acabit.
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