- Broché: 288 pages
- Editeur : Odile Jacob (2 novembre 2016)
- Collection : OJ.PSYCHOLOGIE
- Langue : Français
La folie n’a pas toujours été une affaire de psychiatre. Même si à présent c’est lui qui décide si un comportement laisse à penser que l’individu a perdu la notion du monde réel (à condition que le monde réel du psychiatre soit fiable…).
L’invention de la psychiatrie sous-entend la notion d’une possibilité (ou d’une nécessité) de traitement. Le divin n’a plus la cote. La punition ne fait plus recette. La technologie qu’elle soit chimique, électrique ou informatique donne accès à des méthodes plus ou moins performantes pour expliquer , modifier , classer le comportement . Avec en filigrane des fondements idéologiques que l’on a vu varier avec le contexte social, politique et historique.
Le fou est donc par définition l’autre. Et pour mieux le repérer, le psychiatre dresse des listes de signes. Avec un question fondamentale : la limite entre le normal et le pathologique, pas si simple que ça.
« Ceux qu’on appelle « psychopathes » parce qu’ils passent à l’acte comme un réflexe rapide, en court-circuitant a lenteur nécessaire à l’élaboration mentale, sont décorés en temps de guerre et emprisonnés en temps de paix ».
« Il en était de même pour les filles célibataires qui faisaient preuve de folie en mettant au monde un enfant hors mariage ».
Parmi les explications de la folie lorsque que le scientifique a évincé le divin, la dégénérescence a eu son temps de gloire. Utile pour soutenir une hiérarchisation de la valeur des vies et donc de légitimer l’élimination de ceux qui ne correspondaient pas aux critères d’une humanité supérieure.
La création des hôpitaux psychiatriques a eu pour but l’enfermement de toute personne pas en phase avec la normalité de l’époque (on a vu à quel point cette notion est fluctuante)). C’était au départ des institutions carcérales. Et puis on a nommé et donc donné une existence à la pathologie . Fous, aliénés , déments, la déclinaison s’est ramifiée, s’est attachée à répertorier avec une précision diabolique l’ensemble des déviances relatives. Certes le DSM5 permet un langage commun entre les spécialistes. Cependant, outre le fait qu’il ait tendance à confondre les maladies, les causes et les symptômes , il propose un diagnostic figé, et derrière cette apparence de rigueur, se profilent d’autres desseins plus mercantiles.
Les techniques thérapeutiques ont longtemps été particulièrement violentes. Contention mécanique (qu’elle soit demandée par le sujet , ou imposée par l’urgence) , chocs (électriques, physiques , biochimiques voire infectieux), chirurgie (le trépan est une très ancienne procédure), céderont-ils la place aux médicaments , à moins que les médecines parallèles, l’hypnose, la moribonde psychanalyse regagnent du terrain?
Sur un plan historique, le traitement réservé aux suppliciés de la Grande guerre constitue un chapitre particulièrement choquant. Près d’un million de rescapés de la boucherie, ont été soupçonnés de simulation. Et malgré les quelques voix qui se sont élevées pour la défense de ces victimes, d’autres plus nombreux, dont le nom est encore souvent associé à des services hospitaliers, se sont acharnés à débusquer la duplicité, et par des méthodes particulièrement violentes.
Une place est faite à l’alcoolisme. Là encore la norme varie avec l’époque. Lorsque l’eau était dangereuse, il était recommandé de boire de l’alcool. Ce n’est qu’en 1849 que la consommation excessive d’alcool acquiert le statut de maladie. L’évolution est parallèle à celle que l’on observe pour les pathologies mentales. Au 20è siècle, se crée le mouvement des Alcooliques anonymes,, puis l’alcoolo-dépendance apparait dans le DSM3, et enfin les médicaments sont synthétisés, avec pour chef de file le disulfiram. De nos jours si la consommation diminue et avec elle les morts par cirrhose, de nouvelles manières de s’enivrer voient le jour, particulièrement chez les jeunes.
Quel avenir pour la psychiatrie?
« Pendant que la psychiatrie étend son emprise au delà de ce qu’elle sait faire, et vers qui n’en a pas besoin, ses moyens se réduisent comme peau de chagrin dans l’ensemble des pays industrialisés ».
Entre la concurrence sur le terrain par d’autres professionnels de la santé mentale, et l’image négative de la psychiatrie aux yeux du public, on comprend que la carrière ne soit pas attractive .
« La psychiatrie souffre d’être la seule spécialité à traiter une part conceptuelle du corps humain qui flirte avec la métaphysique. son défi majeur pour l’avenir est alors de décider ce qu’elle doit vraiment traiter : le cerveau? esprit? la société? tout à la fois? et jusqu’où? »
Erudit et exhaustif, en à peine 300 pages, l’ouvrage dresse un portrait sans complaisance d’une discipline très particulière et passionnante.
Quand la pensée s'arrête et se transforme en chorale de perroquets, notre jouissance immédiate est une déclaration de guerre à tous ceux qui ne chantent pas comme nous
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Personne n'a protesté quand Egas Moniz, excellent neurologue et passionnant homme politique, a inventé la lobotomie pour calmer les déviants psychiques. Dans un contexte culturel où la violence avait une fonction adaptative, on acceptait facilement la violence des traitements par l'électrochoc, le torpillage électrique, la mis en coma insulinique, le choc cardiozolique la malariathérapie , ou l'isolement par la force dans des hôpitaux fermés et des cellules pas toujours capitonnées.
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La psyxhiatrie souffre d'être la seule spécialité à traiter une part conceptuelle du corps humain qui flirte avec la métaphysique. Son défi majeur pour l'avenir est alors de décider ce qu'elle doit vraiment traiter : le cerveau? l'esprit? la société? tout à la fois? et jusqu'où?
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