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Une douceur de chloroforme

Patrice Delbourg







  • Broché: 304 pages
  • Editeur : Le castor astral (5 octobre 2017)
  • Collection : Escales des lettres
  • Existe en version numérique
  • Langue : Français












Patrice Delbourg est un virtuose de la langue, un jongleur de mots, un champion de la réthorique. Il le prouve une fois de plus avec Une douceur de chloroforme, centré autour d’un personnage bien particulier, aigri, désabusé, désaffectivé, déployant toute son énergie pour se couper de toute relation qu’elle soit positive ou négative avec ses semblables.Le personnage ne suscite pas la compassion, bien entendu. Alors pourquoi persister et suivre l’inintéressant bonhomme et ses multiples griefs de récriminations? Eh bien juste pour voir comment l’auteur va, à défaut de développer l’intrigue, qui n’existe pratiquement pas, multiplier les figures de style pour parler du vide sidéral de l’insupportable Jim Baltimore, quand il n’est pas Anatole Glimpse. L’allitération orne d’innombrables paragraphes, la lecture à haute voix s’impose par moment, pour goûter au mieux à la musique des mots.
La formule n’est pas nécessairement distinguée, le parler de la rue n’est pas exclu : 

« Rien à moudre de la bulle fine, vide et légère pour restaurants de prestige . Hé, il veut un godet de flotte, un bouillon de canard, un jus de grenouille, un sirop de pébroque. Pas la source auvergnate la plus chère du monde »

La litanie des phobies du bonhomme s’égraine chapitre après  chapitre et la liste est longue. Du tourisme :

«  L’engrenage infernal fonctionne à merveille, sitôt qu’un redoux s’annonce, les pays industrialisés s’empressent d’échanger leurs Bidochons respectifs par tous les moyens de locomotion existants »


aux tatouages : 

« La couenne n’a pas à d’histoire à raconter sinon par le salon des rides et les taches de vieillesse »

et bien d’autres doléances diverses et variées.

Autrement dit, il faut aborder l’ouvrage avec un moral solide et un optimisme à tout épreuve ou faire une cure préventive d’antidépresseurs . Il y a peu de chance de bondir d’allégresse après la dernière page, si ce n’est parce qu’on quitte le rabat-joie de service.


Si l‘on en revient au roman, hormis les joutes littéraires et les figures de réthorique, il y a peu matière narrative. Il faut plutôt le prendre comme un exercice de style, permettant de faire passer quelques messages (autobiographiques?) bien sentis sur notre monde contemporain.




Quand on devient soi-même une antiquaille défraîchie, carcasse dissonante, on se réveille chaque matin avec l’impression diffuse que le chauffage ne fonctionne pas.

*

Des murs lépreux, crevés de fenêtres en quinconce, se faisaient face. Une ruelle hésitait à se lancer. Pluie fine, dessins scarifiés de pneus sur l’asphalte luisant, telles des mues de couleuvres. Il hâtait le pas, des idées sépulcrales tombaient sur sa caboche, volées de tocsin à chacune de ses enjambées.

*

Baltimore avait tiré un tablier de fonte sur ses relations sociales. Inutile désormais de songer à ravauder sa vie affective, patchwork d’oripeaux dépareillés.









Patrice Delbourg est un poète, romancier et chroniqueur français. 

Animateur d'ateliers d'écriture, membre de l'Académie Alphonse Allais et du Grand Prix de l'Humour Noir, lauréat des prix Guillaume-Apollinaire et Max-Jacob, il a publié plus d'une trentaine d'ouvrages sur des sujets aussi variés que l'humour noir, la poésie contemporaine, le journal intime, le sport ou les jeux télévisés.

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