- Poche: 160 pages
- Editeur : Gallimard; Édition : folio (11 avril 1997)
- Existe en version numérique
- Collection : Folio
- Langue : Français
Ce court opus autobiographique suscite un double émerveillement.
Le parcours en lui-même, tellement inimaginable : l’auteur préface en quelque sorte sa propre histoire en relatant celle de sa mère, en un vibrant hommage pour cette humble femme, avide de savoir, riche d’un potentiel culturel étouffé dans l’oeuf, contrainte dès son plus jeune âge à consacrer son temps aux travaux de la ferme et à l’éducation de ses jeunes soeurs, avant d’être définitivement piégée dans le système par le mariage. Il suffit d’un appel au secours, et du désir d’en finir avec ce destin imposé pour que la médecine de l’époque, assortie des exactions de la guerre, pour qu’un terme soit mis à cette destinée sacrifiée.
Pour ses quatre enfants, c’est le placement, et le plus jeune d’entre eux, en qui l’on reconnait rapidement le narrateur, même si le texte s’adresse ce personnage par un tutoiement qui le rend à la fois intime et distant, souffrira longtemps d’une angoisse d’abandon envahissante.
C’est par des chemins détournés qu’enfin s’accomplira ce qui aurait pu être la réalisation des désirs de sa mère , c’est à dire l’écriture.
Et quelle écriture, riche, sensible, émouvante, simple et élaborée à la fois. Charles Juliet appartient dans mon panthéon personnel au groupe restreint des plus belles plumes francophones des cent dernières années.
Combien tu aimes l'école ! Chaque fois que tu pousses la petite porte de fer et t'avances dans la cour, tu pénètres dans un monde autre, deviens une autre petite fille, et instantanément, tu oublies tout du village et de la ferme. Ce qui constitue ton univers - le maître, les cahiers et les livres, le tableau noir, l'odeur de la craie, les cartes de géographie, ton plumier et ton cartable, cette blouse noire trop longue que tu ne portes que les jours de classe - tu le vénères. Et la veille des grandes vacances, alors que les autres, au comble de l'excitation, crient, chantent et chahutent, tu quittes l'école en pleurant.
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Cet amour qui n'a cessé de croître depuis votre première rencontre, il t'érode, te dénude, te ramène constamment à ce qu'il y a en toi de plus pauvre, de plusdémuni. Souvent, la nuit, quand il te tient éveillée, sa violence t'effraie, et tu t'étonnes qu'ait pu prendre racine en toi un sentiment si extrême, si démesuré.
Quatrième enfant d’une famille pauvre, il a un mois lorsque sa mère biologique est internée dans un hôpital psychiatrique (à la suite d'une tentative de suicide et pour son état mental dépressif). Il est ensuite placé à l'âge de trois mois dans une famille de paysans suisses qu'il ne quittera plus.
A douze ans, il entre dans une école militaire d'Aix dont il ressortira à vingt ans, pour être admis à l'École de Santé Militaire de Lyon. Trois ans plus tard, il abandonne ses études de médecine pour se consacrer exclusivement à l'écriture.
Fabuleux livre !
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