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Baïkonour

Odile d'Oultremont








  • Broché : 224 pages
  • Editeur : L'OBSERVATOIRE (21 août 2019)
  • Collection : FICTION
  • Existe enversion numérique
  • Langue : Français










D’emblée séduite par cette écriture riche et inventive, qui dès le premier paragraphe sublime un tragique naufrage en une fin lyrique. Cette magie se reproduira à de nombreuses reprises au cours de la lecture, au point de relire ces passages, rien que pour le plaisir de savourer ces mots et ces phrases.
Mais le récit s’ancre dans une réalité quotidienne que traduisent fort bien les dialogues. l’utilisation du présent donne une force supplémentaire à la narration.

Le thème de la rencontre toujours remise entre deux êtres qui évoluent sur deux parallèles de la vie est bien construit. Entre le grutier et l’orpheline qui rêve de pêche sur des eaux hostiles, le lien qui se tisse est subtile et fragile. Le hasard semble mettre en place toutes les circonstances qui aboutiront à unir ces deux êtres qui ignorent tout l’un de l’autre.

Les personnages secondaires ne sont pas en reste : celui de la mère qui exorcise son chagrin en cuisinant des soupes pour des marins qui ne le méritent pas, les chirurgiens rivaux, le père du grutier chômeur professionnel, contribue à alléger le propos sombre (entre la noyade et la chute de grue, pas de quoi rigoler , quand même). 


Un régal double d’un coup de coeur ce deuxième roman, qui m’incite à découvrir le premier, récompensé par le prix de la Closerie des lilas





Dans un état de semi-conscience, paralysé par endroits, une partie de lui sait qu’il est temps de lâcher l’affaire, l’autre lutte encore, et il rêve ou peut-être seulement imagine-t-il que sa femme est sa fille et que sa fille est sa femme, il mélange l’essentiel, il fait flou et humide, il a conscience d’être à la limite de l’état des choses et curieusement au lieu de chercher l’air à respirer, il avale l’eau, la bouche pleine entièrement ouverte, laisse entrer la mer, il ignore pourquoi, elle s’introduit en lui comme une anguille, glisse le long des parois de sa trachée et, de cette façon, s’empare de lui, ensuite peu à peu le confisque au lieu et au moment, et le voilà pris. Sans attendre l’asphyxie, il se mue déjà en tôlard de la mer, un milliard de barreaux en acier pour chacune des particules d’oxygène manquantes et d’un coup une prison gigantesque se constitue autour de lui, l’Alcatraz des fonds marins pour le gober d’une traite. 

*

— À quoi, la soupe ?
Édith observe sa fille d’un œil amusé, elle la tient, elle le sait, depuis le temps qu’elle rêve de monter à bord avec son père.
— Poireaux.
— Dégueulasse, siffle-t-elle.
— C’est ça ou tu restes à quai !

*

Son père était au chômage, il l’est resté toute sa vie. J’ai bossé à ne rien foutre, disait-il avec une pointe de fierté. Catherine, sa mère, était au foyer. Ce qui, avec un mari inactif, rendait la fonction étrangement absurde. 





Odile d'Outremont est née en 1974, elle est scénariste et écrivain
Elle est l’épouse De Stéphane de Groodt pour qui elle co-écrivait ses chroniques à Canal +
A obtenu Le prix de la Closerie des Lilas 2018 pour "Les déraisons" 



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