Lorsque l’on a été particulièrement séduit par une lecture, la crainte émerge de trahir les émotions ressenties par le filtre de nos propres mots, qui devront tenter de les reproduire.
C’est le cas pour Blanc résine. Pourtant les premières pages sont vertigineuses, mots inconnus, repères volontairement flous entre rêve et réalité, et déjà cependant la sensation d’une fascination naissante pour le personnage. Elle, qui ne recevra aucun nom de ses vingt-quatre mères mais se nommera dès que les premiers mots franchiront ses lèvres pour devenir Daã.
Un autre destin hors norme s’impose en parallèle. Celui de l’enfant plus blanc que neige, privé de sa mère à peine né. L’enfant albinos grandit dans le décor gris-noir de la mine, promis à en parcourir les galeries, pour secourir les multiples accidentés.
Les deux chemins, celui de la femme qui sillonne bois et prés en quête de plantes qui guérissent et celui de l’homme pâle se croiseront un jour, et de l’union de leur différence adviendra le meilleur ou le pire…
C’est un coup de coeur, de ceux qui ralentissent la lecture pour s’imprégner de chaque phrase, en se laissant porter par l’atmosphère parfois onirique parfois réaliste et violente.
L‘écriture joue avec les sens, les contrastes de couleur, les odeurs et les sons, créant des espaces poétiques originaux.
Peu importe de ne pas saisir le sens précis de certains mots, (un lexique est proposé en fin de récit, mais n’est pas indispensable). Le son des mots est suffisant pour qu’il ne soit pas nécessaire de visualiser la plante ou l’animal qu’ils désignent, et certains termes se font évidence (comme l’ina maka que l’on traduit rapidement comme la terre-mère).
Le récit est porté par la force de deux personnages, étranges et marginaux, et riches de leur différence. Ils sont l’envergure d'êtres mythiques, porteurs de messages et défiant les obstacles multiples sur leur route.
Publié en 2019 au Québec, c’est un roman qui pourrait rejoindre mes livres pour une île déserte.
Je remercie Grasset et Netgalley.
Son premier roman, "Oss", publié en août 2011 aux éditions Leméac, a été nominé pour le Prix des libraires du Québec et finaliste au Prix du Gouverneur général du Canada.
Son deuxième roman, "Les sangs", a été publié chez Leméac en août 2013 et repris par les éditions Grasset & Fasquelle en mars 2015. Au Québec, l'ouvrage a été finaliste au Prix des libraires du Québec et au Prix France-Québec, tandis qu'en France, il a été finaliste au Prix Marie Claire du roman féminin.
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