Chinua Achebe
D’emblée, le style évoque une ambiance de conte. Une fable transmise par la tradition orale, telle qu’un griot aurait pu en égayer une assemblée au cours d’une veillée. Le héros se dresse au coeur du récit, droit, puissant, courageux, figé dans ses certitudes d’autant plus ancrées en lui qu’il est le fils d’un homme peu méritant, à l’aune des valeurs des tribus nigérianes de l’époque que l’on situe au début de la colonisation.
Les coutumes tiennent lieu d’armature sociale, les luttes tribales réaffirment si besoin la suprématie de tel ou tel groupe, l’animisme tient la population captive sans qu’une quelconque remise en cause ne vienne troubler les traditions. Mariage, justice, maladie, obsèques, tous ces temps forts d’une assemblée sont décrites avec précision , conférant une dimension ethnologique au récit.
Il en va autrement dans la dernière partie du roman, lorsque les blancs viennent troubler l’ordre établi, brandissant le vrai dieu, incompatible avec les croyances jugées primitives.
Le style simple est en accord avec le message passé et donne une couleur authentique au récit. Mais il n’empêche pas une réflexion argumentée sur la religion lors de la confrontation des idées.
C’est le premier volet d’une trilogie dont hélas les tomes 2 et 3 ne sont pas traduits. Il est tentant de les lire en anglais tant on a envie de découvrir la suite et les conséquences de l’invasion des colonisateurs. Ou de supplier Actes sud de donner une chance à ces romans.
230 pages Actes sud 27 octobre 2016
La caverne des lecteurs Janvier 2022
Chez les Ibos, on tient en grande estime l'art de la conversation, et les proverbes sont l’huile de palme avec laquelle on accommode les mots. Okoye était un champion de la parole et il tourna longuement autour du sujet avant de l'aborder.
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Tout le monde était là, parlant avec excitation et priant pour que les sauterelles campent à Umuofia pour la nuit. Car même si les sauterelles n'étaient pas venues depuis bien des années, tous savaient d'instinct qu'elles étaient bonnes à manger. Et elles se posèrent enfin. Elles se posèrent sur chaque arbre et sur chaque pousse d'herbe ; elles se posèrent sur les toits et sur la terre nue qu'elles recouvrirent. D'énormes branches se brisèrent sous leur poids et le paysage prit la couleur brune de leur immense essaim affamé.
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Ekwefi avait beaucoup souffert au cours de son existence. Elle avait mis dix enfants au monde et neuf étaient morts en bas âge, la plupart avant d’atteindre trois ans. A mesure qu’elle enterrait un enfant après l’autre, le chagrin avait tourné au désespoir puis à une sombre résignation. La naissance de ses enfants, qui aurait dû être le couronnement de sa gloire de femme, était devenue pour elle une torture physique vide de promesse, et la cérémonie du baptême, après sept semaines de marchés, un rituel dénué de sens.
Chinua Achebe est un écrivain nigérian d'expression anglaise, né en 1930
Il est issu de l’ethnie Ibo. Il s’instruit d’abord chez les chrétiens missionnaires, puis grâce à une bourse, intègre le lycée de l’Umuahia avant de poursuivre ses études à l’université d’Ibadan. Il mène plusieurs activités à la radio nigériane et fait une longue carrière dans la presse de son pays.
Il est décédé aux Etats Unis en 2013.
Votre commentaire va dans le sens de mon ressenti.
RépondreSupprimerUn roman qui m'a aidé à mieux comprendre l'Afrique avant la colonisation.
http://www.asso-semoy.fr/tout-s-effondre.html
Comme vous, j'aimerais bien la suite (en français)
Bravo pour ce blog !
PommeBleu