Chika Unigwe
Traduction : Marguerite Capelle
Efe, Joyce, Sisi, trois prénoms d’emprunt pour ces femmes dépossédées de tout, de leur liberté, de leur passeport, et contraintes de s’exhiber dans ces vitrines du quartier chaud d’Anvers.
On sait également que Sisi vient d’être victime d’un meurtre.
Comment en sont-elles arrivées là ? Les récits alternatifs vont nous l’apprendre. Des enfances différentes les uns des autres, et en dehors de Joyce, on n’est pas dans le contexte d’une fuite motivée par la guerre. Sauf que la vie au Nigeria ne fait pas de cadeau. Avoir un bagage universitaire n’est pas suffisant pour offrir à ses proches parents le logement décent qu’ils souhaitent. Echapper à une morne vie de labeur précaire et mal payé, c’est ce que leur fait miroiter l’infâme Dele, dont le trafic auto-proclamé import-export précipite les filles dans un piège infernal, dont elles ne pourront pas sortir. C’est un avenir d’esclaves sexuelles, qui les attend pour de nombreuses années.
On s’attache à ces femmes dont le destin semble inéluctable. D’autant qu’elles ont chacune à leur manière de grandes qualités humaines. Elles sont intelligentes, sous d’autres cieux, une vie digne aurait pu être possible.
On peut remercier l’auteur d’attirer l’attention sur des victimes, vendues comme objets sexuels, d’autant que l’on ne parle pas d’un époque révolue, on n’est pas au Moyen-âge, le récit est tout à fait contemporain. La compassion et la colère émergent du roman qui nous rappelle à quel point un énorme travail reste à faire pour que les femmes quelles que soient leur origine et leurs histoire accèdent à la dignité.
308 pages Globe 21 janvier 2022
Sélection Mars Prix Elle
Le monde était exactement telle qu'il devait être. Ni plus, ni moins surtout. Elle possédait l'amour d'un homme bien. Une maison. Et de l'argent à elle – tout frais tout neuf, d'un vert absolument radieux – le seul faite d'y penser la ragaillardit et, sous l'effet d'une bouffée d'excitation, elle se mit à fredonner.*Elles ont toutes leurs propres souvenirs de Sisi. Des interactions mineurs deviennent poignantes, comme c'est souvent le cas quand quelqu'un meurt. Une remarque, un regard qui serait passé à la trappe en temps ordinaire acquiert une signification phénoménale. Les boucles d'oreilles de Sisi, oubliées sur le rebord de la fenêtre de la salle de bain, deviennent « sa manière de laisser une trace d'elle".
Chika Nina Unigwe est une écrivaine nigériane, née à Enugu en 1974. Elle écrit en anglais et en néerlandais.
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