Amanda Sthers
A Naples, la coutume est bien établie : au bar, on commande deux cafés, dont un est destiné à quiconque en aura envie sans en avoir les moyens. Le café suspendu est un geste de générosité au delà de la simple charité. Avec le café, c’est aussi la possibilité de se mêler à l’assemblée cosmopolite d’un lieu convivial.
« On a beau faire une mauvaise réputation à Naples et recommander de prêter attention à son sac quand on s’y promène, il y a des tasses fumantes de générosité partout dans la ville »
Pour Jacques, un français qui est venu rejoindre sa dulcinée sur un malentendu, c’est la déception amoureuse qui l’a conduit à poser ses valises dans le quartier, et à passer de longues heures au café Nube. Quoi de plus inspirant que le défilé disparate des clients au comptoir. Une manne pour un caricaturiste ! Lorsqu’il ne croque pas ls touristes, il écrit.
C’est ainsi que ce roman nous offre des tranches de vie, glanées au hasard des confidences et des commérages. Silvia, Fernanda, docteur Chen et tant d’autres alimenteront la légende, sur une période d’une vingtaine d’années. On y croisera même Elena Ferrante !
Le récit est une déclaration d’amour pour la ville animée et frénétique :
« Il y a dans Naples une injonction organique, une boucle d l’Histoire à laquelle on doit se soumettre, une sensation aiguë du destin. On ne peut échapper à ce que cette ville a inscrit dans le livre de notre vie, on doit s’y résoudre comme on s’abandonne malgré la peur dans les bras de l’être aimé »
Les histoires se suivent et ne se ressemblent pas, mais se répondent au gré des liens tissés entre les personnages. Le style est vivant, l’humour n’est pas absent, et c’est une belle excursion que nous propose ici Amanda Sthers. Le roman se termine sur une proposition généreuse, celle de faire de ce roman un roman suspendu…
234 pages Grasset 4 mai 2022
#Lecafésuspendu #NetGalleyFrance
Avec mes caricatures, ma bonne humeur, ma façon de regarder les gens et d’essayer de les comprendre et de les pardonner, j’avais le sentiment de devenir une part de tissu de Naples plus qu’un Napolitain, une sorte de greffe.
Je pense qu’être artiste, c’est être hanté. On croit que ça n’arrive qu’aux maisons mais ça arrive aussi aux gens, les gens hantés deviennent des écrivains.
Toutes les grandes amitiés sont toxiques. Elles en sont le fondement. On est attiré par ce qui nous fascine et ce qui nous fascine nous met en danger. Tous les rapports humains sont des rapports de force.
Il y a les gens heureux et ceux qui créent. Je n’ai pas eu la vie que j’imaginais mais mon coeur s’est senti à sa place au fond de ce café, penché sur ce carnet. Alors, si vous en avez les moyens, je vous encourage à laisser ce récit dans une chambre d’hôtel, un wagon de train ou un banc pour qui ne pourrait pas s’offrir ce livre. Un roman suspendu.
Amanda Sthers est née le 18 avril 1978 à Paris. Elle est écrivaine, scénariste, auteur de pièces de théâtre, de sketches (pour Arthur, et Caméra Café) et de chansons.
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