Kamel Daoud
C’est sur le ton d’une élégie que Kamel Daoud donne la parole à Aube, rescapée d’un massacre lors de la guerre civile en Algérie dans les années 9à. Rescapée mais muette, une décapitation ratée. Muette, vivante métaphore de la parole interdite aux femmes. Pourtant les pensées se succèdent dans ce dialogue intérieur avec l’enfant qu’elle porte, future fille fantasmée, à moins que le fantôme de sa soeur assassinée ne lui intime de mettre fin à cette promesse de vie. Sur le trajet vers le lieu de l’infamie, d’autres témoignages tenteront de lever le voile sur ces années d’horreur, que les autorités voudraient balayer d’un coup d’amnésie, alors de tant de questions se posent encore.
C’est un magnifique texte, d’un lyrisme déchirant, qui nous emporte au coeur de l’invraisemblable.
On salue bien sur le courage de l’auteur, qui risque lui aussi sa vie pour oser parler de la vérité.
C’est peut-être un peu long, peut-être en raison des répétitions, qui, même si elles donnent ce caractère poétique à la prose, alourdissent quels peu le propos.
416 pages Gallimard 15 aout 2024
Lu pour le prix Landerneau 2024
Prix Goncourt 2024
Prix Landerneau 2024
Ce n'est pas comme dans les films, ma Houri, car on ne hurle pas réellement quand la terreur est plus forte que la voix. On ferme les yeux pour faire semblant d'être morte, et ainsi détourner l'attention du tueur sur sa propre sœur. On devient une partie du couteau.
*
C'est ce que je souhaite, ma sœur : que tu obtiennes des droits pour nous, les femmes violentées, les femmes enceintes sans père, les accusées, les terroristes, les kidnappées, les vierges perdues…
*
Que reste-t-il dans ce soleil sans mémoire d'une seule nuit d'autrefois ? Le silence.
*
Tu vois, petite étrangère imprévue, si tu viens au monde dans ce pays, tu prends un risque. Il y aura des années où tu mangeras à ta faim, d'autres ou l'on te mangera, et d'autres encore ou l’on t’égorgera.
Né en 1970, Kamel Daoud est un journaliste et écrivain algérien engagé.
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