Alister
Pour résumer ce court et étrange roman, la quatrième de couverture n’est d’aucune aide. Elle se contente de citer un passage. En tournant la dernière page, on comprend pourquoi : il est très difficile d’en dégager une intrigue qu’elle soit linéaire ou déstructurée.
Et pourtant la magie opère, la magie des mots et l’art de les assembler pour en sculpter un texte d’une grande grâce littéraire.
On peut cependant se laisser guider par le fil rouge qu’est la musique, l’oreille absolue du personnage évoqué, qui décèle même dans un cliquetis d’ongles sur une table en bois un mi bémol. L’entrée dans ce monde des sons s’est d’ailleurs faite en fanfare, lors d’une chute dans une harpe.
Il y sera également question de chien, d’une baronne russe, de Mickaël Jackson, des rencontres variées et aléatoires. Un monde disparate dans lequel on se sent bien pour peu que l’on succombe à la magie de l’écriture.
" finalement, sur la grande table, jonché de cafards prisonniers du caramel, comme agrégé, un derviche automate, dansait au rythme du cliquetis de ses talismans, offrant ainsi un fond sonore agréable à l'invitation, que m'avait faite Scilla, de déguster, l'un de ses juleps liquoreux, qui s'adressaient autant aux papilles qu'au cerveau reptilien"
Allitérations et assemblages audacieux s’associent pour une synthèse poétique qui interpelle.
A noter les titres de chapitres qui ne sont pas en reste : «
« de la maladie comme prolapsus démocratique. »
« Du bon usage de la Catarrabes en meute »
« Rapport dermatologique sur l'aspect « tabac anglais » de la carnation républicaine »
Je n’ai peut-être pas compris l’intention de l’auteur, mais je me suis laissée bercée par cette langue audacieuse, qui pourrait se réclamer du Diabolus in musica évoqué au cours du récit. J’aime aussi le cocasse et la pertinence de l’analyse des situations parfois incongrues du récit.
« Vous savez, je suis d'une gauche qui n'existe plus. J'en ai soupé des merguez et des lacrymogènes. Il faut grandir n'est-ce pas ? Pour rester dans l'allégorie ustensilaire : il n'y a plus que les fourchettes qui sont à gauche. »
Un objet littéraire hors norme, étonnant, déroutant mais finalement une belle expérience, à la fois poétique et onirique pour ce premier roman. Une voix à suivre.
125 pages La Tengo 29 janvier 2025
Finalement, sur la grande table, jonchée de cafards, prisonniers du caramel, comme agrégé, un derviche automate, dansait au rythme du cliquetis de ses talismans, offrant ainsi un fond sonore agréable à l'invitation que m’avait faite Scylla de déguster, l'un de ces juleps liquoreux qui s'adressait autant au papilles qu'au cerveau reptilien.
*
C'était donc ça, l'automne de sa vie. Une période où tout se confond, tout semble ne plus avoir d'importance ; un mélange de paix intérieur et d'inventaire, confus. Se découvrir un courage que l'on ne se connaissait pas.
*
Vous savez, je suis d'une gauche qui n'existe plus. J'en ai soupé des merguez et des lacrymogènes. Il faut grandir n'est-ce pas ? Pour rester dans l'allégorie ustensilaire : il n'y a plus que les fourchettes qui sont à gauche.
Né en 1974, Alister, de son vrai nom Christophe Ernault, est un auteur, compositeur, interprète français. Le dernier des gentlemen est son premier roman.
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