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Un livre de martyrs américains

Joyce Carol Oates







  • Broché : 859 pages
  • Editeur : Philippe Rey (5 septembre 2019)
  • Collection : Roman étranger
  • Existe en version numérique
  • Langue : Français
  • Traduction (Anglais) : Claude Seban










Avec Un Livre de martyrs américains, Joyce Carol Oates aborde le difficile sujet de l’avortement. Malgré ce droit considéré comme acquis depuis que la  médecine a sécurisé les pratiques et la loi précisé les conditions, les choses ne sont pas aussi simples en pratique, et particulièrement aux Etats-Unis, où les groupes religieux sectaires refusent les règles établies par l’état pour s’en remettre à ce qu’ils considèrent comme les lois divines. Et cette opposition de principe se limite pas à des débats internes : manifestations, entrave à l’accueil des femmes dans les centres dédiés, voire meurtres qui visent les médecins « destructeurs de bébés ».

Mais avec Joyce Carol Oates, rien n’est tout blanc ou tout noir. 

Le roman débute sur un fait divers : le meurtre d’un médecin gynécologue par un adepte d’une secte anti-avortement. Luther Dunphy abat d’un coup de fusil le Dr Vorhees ainsi que l’homme qui l’accompagnait dans la difficile tâche quotidienne qui consiste à se rendre sur son lieu de travail. 

Loin d’opposer le méchant assassin et le vertueux médecin, l’auteure dissèque avec une grande précision l’histoire de ses personnages et tente d’expliquer, sans excuser, le cheminement qui a pu aboutir au drame. Et sans se limiter au couple tueur-victime, elle étend son analyse aux autres  membres des deux familles, liées malgré elles par cette brusque rupture dans leur destin. Personne n’est innocent dans l’affaire. Au -delà des convictions, chaque personnage tisse sa propre toile d’araignée. 

C’est passionnant, et malgré l’épaisseur du récit, on est captivé d’un bout à l’autre. Difficile de lâcher ce monument, qui allie romanesque et analyse pointue d’une société complexe. 


Un excellent cru de l’américaine prolixe. 





Même quand j'accompagnais mon père à son travail et travaillais à côté de lui sur un chantier, il ne me parlait que si c'était nécessaire. Bien que chrétien, il ne pardonnait pas facilement, il n'oubliait pas facilement. Avec le temps sa fureur et son dégoût finirent par diminuer comme un lino  neuf perd peu à peu de son brillant, devient terne sous la crasse et cesse d'être remarqué.


*


Fonte de la neige, de la glace. Toits qui dégoûtent. Bancs de neige qui fondent lentement et coulent dans les caniveaux, les fossés. Trottoirs luisants, flaques . Traînées de boue dans les champs, de part et d'autres des chemins. Partout les traces de l'hiver : branches brisées, feuilles pourries, squelettes de sapin de Noël abandonnés dans les terrains vagues, lambeaux de papier, plastique. Le soleil brillaient, vif et ardent à midi, puis faiblissait dans l'après-midi. L'air devenait froid et prenait une odeur métallique qui pinçait les narines de Dawn.

*

La belle princesse Jamala, à la tête rasée , aux dagues  tatouées, étincelante, en Lycra moulant… moins arrogante et moins sûre d'elle, maintenant, les bras mous, hébétée de fatigue. Tel était le secret de la championne noire : elle n'avait jamais boxé plus que quelques rounds. Elle avait toujours gagné ses combats rapidement. Elle était toute debrillant, de parade, avec quelques coups très percutants et précis. Mais son endurance n'avait jamais été mise à l'épreuve.



Née en 1938,  Joyce Carol Oates est une poétesse, romancière, nouvelliste, dramaturge et essayiste américaine.

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