|
Curieuse impression d'amalgame entre La Troisième Jeunesse de Madame Prune, Une Odeur de Gingembre et Abel et Kane : on y retrouve le Japon de la première moitié du vingtième siècle pour les deux premiers et le thème de l'exil et du métissage avec tout ce que cela implique de racines ambiguës pour le troisième . L'auteur compose une suite imaginaire pour l'opéra de Puccini madame Butterfly, qui conte l'histoire d'une jeune geisha, mère d'un enfant né de son union avec un officier américain. Au début du siècle précédent, il était courant et toléré que les officiers occidentaux louent les services de jeunes filles japonaises, selon les termes d'un contrat de mariage temporaire. La jeune femme attend le retour de son époux, sans imaginer une seconde que celui-ci revienne afin de voler son enfant blond. C'est alors que Lee Langley prend le relais pour construire la fin de l'intrigue, dont l'intensité dramatique se nourrit des bouleversements mondiaux tragiques qui ont marqué le vingtième siècle :
"C'est une histoire d’amour, mais c’est aussi le récit des bouleversements qu’entraînent les tempêtes de la grande Histoire dans la vie des gens ordinaires" note l'auteur dans un article pour Newsbook magazine
Trop américain pour les japonais et trop japonais pour les américains, Joey est condamné à une quête sans issue pour trouver un sens à ses origines mixtes.
L'idée de départ est excellente, et exploitée habilement (jusque dans les détails, puisque la version numérique est proposée avec le fichier audio de l'opéra de Puccini). L'analyse psychologique des personnages est bien menée, et le contraste entre les deux civilisations subtilement étudié, ce qui argumente le dilemme posé au héros.
Coup de griffe appuyé contre les instances politiques et militaires qui, de façon universelle, n'ont aucun état d'âme pour envoyer au casse-pipe la jeunesse de leur peuple, en bafouant toutes les fondements de ce qui définit une civilisation :
"il avait fini par comprendre que les soldats étaient formés pour inverser les lois de l’évolution dans l’oubli de la politesse la plus élémentaire et le retour à une sauvagerie qui caparaçonnait leur esprit".
Et c'est à nouveau l'occasion pour Joey de vivre une dichotomie insoutenable :
"Peu à peu, en s’acclimatant à sa nouvelle fonction, il devint un être hybride : un soldat, une créature de science-fiction, mi-homme, mi-machine. La machine obéissait aux ordres, tuait sans émotion, se battait jusqu’au bout, même amochée. L’homme, en revanche, éprouvait de la peur, du remords, de la douleur. L’homme saignait. Souvent il mourait".
Écriture agréable, bonne traduction qui se laisse oublier, ce qui n'est pas facile dans le cas présent étant donné la présence initiale de deux langues dans la version originale.
Enfin on trouve en fin d'ouvrage, une série de photographies bien choisies, illustrant lieux et faits décrits pour mieux inscrire le récit dans le fond historique qui le constitue
Interview de Lee Langley - Une ombre japonaise par confidentielles
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire