Est-il rédhibitoire de ne pas faire partie de ceux que l'on nomme les seniors et que François Bon aurait sans doute qualifiés d'anciens, pour pouvoir apprécier ce qui fait la moelle de ce récit? Certes la fréquentation des brocantes permet de rencontrer ces objets (sauf pour ceux qui sont de l'ordre du virtuel, et pourtant font partie de ce patrimoine des souvenirs personnels et générationnels) mais qui n'a pas eu l'occasion de les manipuler, de les démonter jusqu'à percer le secret de leur fonctionnement ou tout simplement parce qu'ils avaient cessé de plaire, aura plus de difficulté à créer la connivence avec l'auteur, que ne peut manquer de susciter cette plongée dans les abîmes du temps.
Surgis de la mémoire de l'écrivain, ils retrouvent le chemin de la nôtre, ces objets anecdotiques : la carte de France en plastique (n'y avait -il pas des trous pour pouvoir marquer l'emplacement des principales villes, une fois tracé le contour grossier des frontières?), le taille-crayon "animé" en forme de télévision, les planches de lettres à décalquer....
Ces objets constituent à n'en pas douter, un témoignage du fonctionnement social d'une époque, et il suffit d'infimes infléchissements d'un mode de fonctionnement pour que l'on bascule dans une autre histoire :
" J’avais acheté à Poitiers mon premier pantalon à pattes d’eph. Tous les copains avaient déjà le même. Je ne crois pas que le scandale, vis-à-vis de ma mère, ait concerné les pattes d’eph elles-mêmes : plutôt l'intuition qu'en trahissant la couturière du village, puis dans la ville le magasin qui avait l'exclusivité du magasin du tissu en commerce, une rupture bien plus violente et essentielle du monde s'amorcait, qui tuerait la petite ville, ferait des centre-villes (les plus grosses) une infinie boutique à fringues jetables, et des périphéries un entassement de sous-langues (Kiabi et les autres)"
L'écriture est surprenante, quelquefois à la limite du compréhensible :
"La relation aux fournisseurs et commerçants donc non pas soluble en passant du village à la ville."
Pas dramatique : on n'a pas d'intrigue à rebondissement, et le seul fil à suivre est celui des réminiscences de l'auteur.
Tout nostalgique des deudeuches, des machines à écrire à rubans, de Thierry la fronde ou des Teppaz, fera un plaisant voyage au pays des souvenirs enfouis et qui ne demandent qu'à ressurgir
Autobiographie des objets - François Bon par EditionsduSeuil
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