- Broché: 484 pages
- Editeur : JC Lattès (26 août 2015)
- existe en version numérique
- Collection : Littérature française
- Langue : Français
- ISBN-10: 2709648520
- ISBN-13: 978-2709648523
« Que le roman soit certifié réel ou non ne le rend pas meilleur. »
Si Delphine de Vigan a un message à faire passer, c’est bien celui-là! De multiples situations l’amène à en débattre au cours du récit. Et fort à propos puisque la narratrice Delphine, en couple avec François, est une auteure célèbre, qui se heurte fréquemment à son auditoire de fans à propos de cette question : avez-vous dit ou non la vérité? Et le roman lui-même est une sorte de démonstration de ce débat : entre le réel est l’imaginaire, est-ce à l’auteur de faire le choix, ou plutôt au lecteur de décider à sa guise?
Le coeur du récit est fascinant : j’aime particulièrement les histoires de harcèlement, d’emprise, avec cette lente transformation de la relation dans le couple bourreau-victime, dont l’un manipule l’autre, dans une relation duelle mortifère. C’est, à un autre niveau, mais avec les mêmes mécanismes, le même phénomène que l’hameçonnage par une secte, dont le gourou joue ce jeu pervers qui enferme la victime dans une logique fermée et implacable.
Delphine, donc, un peu déstabilisée par les retombées médiatiques de son dernier roman, trop intime, trop réel, trop impudique, lasse de s’en expliquer en boucle, doit faire face à ses vieux démons : la crainte de ne pas être à la hauteur, de laisser transparaître ses failles, de ne pas être la personne parfaite pour tenir le rôle social éprouvant que confère le succès médiatique. Avec ses angoisses surgit une peur de la page blanche. C’est pour cela que l’irruption dans sa vie d’une jeune femme qui incarne le personnage idéal que voudrait être Delphine, arrive à point nommé. Une amie, une vraie, disponible, à l’écoute, aux petits soins, qui semble deviner ses pensées, et avec qui elle se découvre tant de points communs.
Sauf que l’effet escompté se fait attendre, Delphine finit pas ne plus pouvoir écrire ne serait-ce qu’une liste de courses…
Qui est L.? C’est toute la question, et c’est ce qui rend l’histoire captivante. Le lecteur se retrouve comme un funambule, oscillant sur une corde au dessus d’un gouffre avec un balancier qui hésite entre réel et fiction. Pris en otage aussi.
Quant à l’écriture, c’est encore une fois un régal. Elle incarne parfaitement le doute, la colère, l’épuisement, et tant d’autres sur la gamme des émotions et des sentiments. C’est ce qui avait sauvé, pour moi « Rien ne s’oppose à la nuit » dont l’impudeur m’avait perturbée.
C’est donc un excellent moment de lecture en cette rentrée 2015
Quand j’étais enfant, je pleurais le jour de mon anniversaire. Au moment où les convives réunis entamaient la traditionnelle chanson dont les paroles sont sensiblement identiques dans toutes les familles que je connais, tandis que s’avançait vers moi le gâteau surmonté de quelques bougies, j’éclatais en sanglots.Cette attention centrée sur ma personne, ces regards brillants convergeant à mon endroit, cet émoi collectif m’étaient insupportables.
*
Nous sommes tous des voyeurs, je vous l'accorde, mais au fond, ce qui nous intéresse, nous fascine, ce n'est peut-être pas tant la réalité que la manière dont elle est transformée par ceux qui essayent de nous la montrer ou nous la raconter. C'est le filtre posé sur l'objectif. En tout cas, que le roman soit certifié réel ou non ne le rend pas meilleur.
Le livre du jour : « D’après une histoire vraie... par FranceInfo
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