- Broché : 608 pages
- Editeur : Points (17 octobre 2013)
- Collection : Points
- Langue : Français
- Traduction (Anglais) : Suzanne-V Mayoux
- ISBN-10: 2757837664
- ISBN-13: 978-2757837665
Richard Ford se sert de Franck Lacombe pour proposer au lecteur une visite guidée des Etats-Unis des années 80, vue de l’intérieur agité de l’un de ses représentants. Pas ou très peu d’action, pas de rebondissements, pas de mystère caché dans le placard, ni même de tentative de faire de l’accroche en anticipant les malheurs à venir. C’est un déroulé chronologique, au fil de pensées du narrateur. Loin, très loin de la zénitude. Et si son fils, au centre du propos, a du mal à s’empêcher « de penser qu’il pense qu’il pense ». Franck lui pense en permanence au premier degré, et c’est déjà un boulot à plein temps.
Toute la première partie est consacrée à la profession de Franck, agent immobilier, aux prises avec un couple un peu paumé. C’est le talent de richard Ford de permettre à cet épisode oh combien banal, de se muer en une mine d’infos sur le fonctionnement de la société américaine middle class. Il nous propose aussi et c’est sans doute ce qui fait adhérer le lecteur, une fine analyse psychologique des personnages, au travers de dialogues savoureux.
Encore une fois, on n’est pas dans un thriller, toute l’angoisse suscité se borne à savoir si la maison sera achetée ou pas!
C’est donc Paul, 15 ans, en proie à de nombreux démons, qui va donner l’occasion à Franck de se poser dix mille questions de plus. L’ado flirte avec la délinquance, extériorise ses angoisses par des tics vocaux. le remariage de sa mère n’arrange rien. Et c’est un curieux match de ping-pong verbal qui va peu à peu créer une connivence entre père et fils. C’est à cette occasion que surviendra une sorte de drame qui modifie le rythme du récit, et les relations entre les personnages.
Reste la vie sentimentale de Franck, pas simple. Le divorce n’est pas vraiment digéré. Les relations avec Sally, sa nouvelle compagne sont ponctuelles. Mais voilà, Sally aimerait bien qu’il s’engage un peu plus, et la tension est plus que palpable.
On comprend que ça s’agite entre les deux oreilles de notre personnage, qui doit mener de front et seul ces trois combats, et les jauger à l’aune du sens de la vie et du temps qui passe. C’est même physiquement assez éprouvant.
Il y a quelque chose de proustien chez Richard Ford : dans le style d’écriture, avec de longues phrases très travaillées (rendons hommage au traducteur), et dans l’analyse psychologique fine des personnages, qui sont eux aussi en quête de sens, pris dans une farandole dont ils ne maitrisent pas la cadence et le but.
C’est aussi une lecture exigeante, qu’il est difficile de survoler, et qui prend donc du temps, sans que cela soit un pensum, bien au contraire. Le roman est long et ne peut se lire que lentement. Mais l'humour allège le propos.
Pas de chance pour moi, après avoir apprécié En toute franchise, je souhaitais reprendre la saga Bascombe dans l’ordre chronologique, qui n’est pas l’ordre de parution des tomes en français.
Il eut fallu commencer par Un week-end dans le Michigan…
Je n'ai jamais compris pourquoi on irait prendre un taureau par les cornes. C'est le bout le plus dangereux.
Quelquefois, mais pas tellement souvent, j'aimerais bien être encore un écrivain, vu tout ce qui passe par la tête de n'importe qui et qui se perd en fumée, tandis que pour un écrivain–même un écrivain foireux–, il y a bien moins de gaspillage.
Me reste donc que le pire de la paternité : être un adulte. Qui ne possède pas le langage adapté; qui n'affronte pas les mêmes terreurs, aléas et ratages; qui en sait long, mais est condamné à rester planté comme un réverbère allumé, dans l'espoir que son fils en distinguera la lueur et se rapprochera pour profiter de la chaude lumière offerte en silence.
*
Quelquefois, mais pas tellement souvent, j'aimerais bien être encore un écrivain, vu tout ce qui passe par la tête de n'importe qui et qui se perd en fumée, tandis que pour un écrivain–même un écrivain foireux–, il y a bien moins de gaspillage.
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Me reste donc que le pire de la paternité : être un adulte. Qui ne possède pas le langage adapté; qui n'affronte pas les mêmes terreurs, aléas et ratages; qui en sait long, mais est condamné à rester planté comme un réverbère allumé, dans l'espoir que son fils en distinguera la lueur et se rapprochera pour profiter de la chaude lumière offerte en silence.
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