- Broché: 272 pages
- Editeur : ALBIN MICHEL (4 janvier 2016)
- Collection : LITT.GENERALE
- Langue : Français
- ISBN-10: 2226322736
- ISBN-13: 978-2226322739
Y a t-il en chaque porc un homme qui sommeille? Il en existe au moins un dans l’imagination de Sylvie Germain, qui nous propose là une fable moderne.
La guerre fait rage dans le pays (que l’on situerait volontiers du côté des Balkans, mais peu importe). Un petit être rose et soyeux a survécu dans les ruines d‘une ferme : il faut une série de circonstances favorables et un lâcher prise de la part du lecteur pour que se mette en place le scénario ce petit porcelet se réveille brutalement dans le corps d’un ado. Nu, sans langage, sans connaissance, seul si l’on excepte l’amitié fidèle d’une corneille.
Tel un enfant sauvage, Babel découvre la compagnie des hommes, leur férocité, leur faiblesse, leur rejet de la différence. Tout en s’efforçant de s’approprier le pouvoir des mots, dits puis lus.
Le danger reste grand pour un être sensible mais naïf, qui ne possède pas les codes sociaux et se pose d’emblée en cible facile pour la bêtise humaine. La fuite est nécessaire. Ailleurs compagnie de marginaux, avec lesquels il pourra lentement développer sa conscience, et son humanité
Babel est une métaphore de l’enfance qui accède au langage, mais à la différence des enfants humains au sein d’une famille, nul n’est là pour lui conter ce qui fut avant qu’il ait conscience de sa propre existence. C’est une tabula rasa, qui n’a guère d’autre choix que de faire face sans filet à ce que l’humanité a de moins glorieux. L’apprentissage est rude, et forge un être unique, insoumis, sans concession. terriblement seul aussi.
Hormis les brutes stupides croisées dans les premiers temps, et qui contribueront par leur violence à construire le futur Babel, les autres personnages qui servent de tuteurs, comme une tige de bambou guide la croissance d’une plante, sortent de l’ordinaire : des jumeaux asociaux, chacun à sa façon, la fille d’un ex-clown qui s’est perdu, un libraire et un droguiste.
Les animaux accompagnent le jeune homme, la corneille bien sûr, mais aussi les pensionnaires d’un zoo, et la nature environnante, elle aussi maltraitée par la folie des hommes.
« La forêt est son royaume, il y flâne des journées entières, parfois il s’y attarde tant qu’il ne rentre qu’à l’aube. Il aime assister au déclin de la lumière dans le ciel qui semble s’arrondir à mesure que le bleu se sature, se violace puis se fonce en noir indigo, et, au même rythme, à la montée des ombres entre les fûts des arbres jusqu’à leurs frondaisons ».
Si la première partie a un réel pouvoir d’attraction, invitant le lecteur à assister à l’éveil de l’adolescent, vierge de toute science, sans haine et sans malice, et empreint d’une volonté d’accéder à la culture, tout ce qui se produit après le départ est plus obscur. Certes les messages sont délivrés mais ne font plus corps avec l’intrigue, l’évolution de Babel qui devient Abel devient abstraite.
Le genre n’est pas nouveau, les ours qui deviennent écrivains, ou les humains qui se transforment en scarabée sont monnaie courante en littérature. Sylvie Germain intellectualise le propos, servi par une écriture superbe.
Il n’en reste pas moins qu’il faut être très disponible et sans doute s’offrir une deuxième lecture, voire plus pour en saisir toute la portée.
Sylvie Germain : "À la table des hommes" par FranceInfo
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