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L'homme-dé

Luke Rhinehart






  • Broché: 520 pages
  • Editeur : Olivier édition de l' (15 mai 2014)
  • Collection : Replay
  • Existe en version numérique 
  • Langue : Français
  • Traduction (Anglais) : James du Mourier
  • ISBN-10: 2823604790
  • ISBN-13: 978-2823604795










Difficile de rester indifférent à un tel remue-méninges!
Les trois mots clés qui me font craquer : psychiatre juif new-yorkais étant énoncés, pas besoin de dés pour tenter la lecture. On est cependant bien loin d’irvin Yalom ou de John Katzenbach, qui font effet d’enfants de choeur en comparaison. 
Luke Rhinehart, psychanalyste, marié, deux enfants ronronne dans sa vie : il manque des épices, du piment, quelque chose qui le sorte de cette gangue d’une histoire banale et prévisible. Pas pour la gloire, juste pour voir. Partant du principe que notre histoire personnelle, le fondement de notre personnalité se sont construit par un élagage progressif de notre potentiel pour laisser survivre un moi étriqué, comme un costume étroit aux entournures, Luke cherche un moyen de s’échapper de ce carcan et s’en remet au hasard, contrôlé par un instrument neutre : un dé. Il s’agit à chaque question de formuler plusieurs dé-cisions et d’accomplir sans état d’âme l’option retenue. Bien entendu, les options préliminaires sont le fait du joueur, mais dans cette incertitude digne d’une roulette russe, les hypothèses  les plus osées et subversives font partie des alternatives. Comme celle d’aller violer la voisine du dessous, ou de conduire trente-huit malades de l’hôpital psychiatrique à Broadway pour voir la comédie musicale Hair, après avoir imité la signature du médecin-chef….
Outre le fait que notre thérapeute retrouve goût à la vie, il construit à partir de sa propre expérimentation une véritable théorie , une conception de l’âme humaine, et qui dit âme dit religion. C’est sans doute un des aspects les plus drôles du roman : prières, culte dé-dié, vénération.
Redevenant  de temps à autre (en fonction de…vous devinez quoi!) un scientifique cohérent, Luke monte une étude expérimentale pour étayer ses hypothèses : et pourtant ses pairs rejettent ses travaux et le bannissent, malgré la rigueur interne de l’étude…est-ce parce qu’il est impliqué en tant que sujet? ou plutôt que la morale est bafouée jusqu’à l’impensable?

Il n’empêche que l’engouement gagne la population, tel une maladie contagieuse, par simple oui-dire. On n’ose penser à l’influence des réseaux sociaux s’ils avaient existé à cette époque…

Dé-janté, foisonnant, truculent, carrément pornographique, l’auteur serait-il le fils caché de Rabelais qui aurait croisé Sade sur son chemin. On passe du rire au dégoût en un seul jet de dés, tout en cogitant intensément, et comme le dit un collègue et néanmoins ami de Luke, le pire c’est que  le raisonnement tient la route du fait d’une logique interne, d’un strict point de vu théorique : l’avènement d’un ego construit de toute pièce par le hasard ne pourrait-il conduire à un épanouissement total? C’est socialement que le bât blesse.

Sacré personnage que ce narrateur, qui porte le nom de l’auteur, pour entrainer le lecteur sur la fausse-piste d’une autobiographie.  Fou ou génie, saint homme ou truand de bas étage, simple addict d’un jeu de hasard basique ou subtil théoricien d’une conception révolutionnaire de la psyché, il est tout cela à la fois. 


Les droits ont été acquis pour une adaptation filmée, qui n’a pas vu le jour. Jack Nicholson était partant et on l’imagine très bien dans ce rôle.

Challenge Pavés 2015-2016 Babélio



Des ilots d'extase dans un océan d'ennui, telle est la vie, et passé l'âge de trente ans on a rarement une terre en vue. Dans le meilleur cas, on erre d'un banc de sable tout rongé au suivant, bientôt familiarisé avec le moindre grain de mica.

*

Si je fumais tantôt d'une façon, tantôt d'une autre, poursuivit-il, et d'autres fois pas du tout, si je changeais ma façon de m'habiller, si j'étais tour à tour nerveux, serein, ambitieux et paresseux, paillard, glouton, ascète – où résiderait mon moi ? Qu'est-ce que j'y gagnerais ? C'est la façon dont un homme choisit de se limiter qui détermine son personnage. Un homme sans habitudes, sans cohérence, qui ne se répète pas, donc ne s'ennuie pas, n'est pas humain. Il est fou.


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