- Broché: 333 pages
- Editeur : Actes Sud Editions (4 septembre 2019)
- Collection : ROMANS, NOUVELL
- Existe en version numérique
- Langue : Français
L'un de mes coups de coeur de cette rentrée!
C’est un roman intimiste, une sorte de huis clos entre la narratrice, une femme de soixante-ans et elle-même qu’elle convoque à la faveur des pages de son journal tenu lorsqu’elle avait une vingtaine d’années.
La jeune fille qui doit son surnom à ses origines, Minesotta , connaît les bonheurs et les écueils d’une vie d’étudiante à New-York : amitiés, amours, émulation, mais aussi pauvreté, faim, violences urbaines. Tout cela est conté avec beaucoup de sincérité, mais pourrait rester un simple récit de souvenirs.
Or Siri Hustvedt va beaucoup plus loin, et s’interroge sur les méandres de la mémoire, qui déforme, trie, occulte, même devant un écrit dont l’authenticité est difficile à contester. Et cet étrange fonctionnement renvoie en miroir les difficultés de sa mère âgée, dont les lacunes sont beaucoup plus considérables.
On a donc plusieurs niveaux de récit, entre le journal de la jeune femme, les réflexions actuelles (Trump en prend pour son grade) et les feuillets d’un roman ébauché à l’adolescence. C’est clairement différencié et les allers-retours entre les différentes périodes de vie ne sont pas un obstacle à une lecture fluide.
Un personnage important apporte un étayage à la narration : la voisine dont les soliloques sont à l’origine de bien des hypothèses : folie, complot, théâtre? Lucy B saura préserver une part de son mystère.
On se pose bien sûr la question de identité de la narratrice, qui se cache derrière des initiales troublantes S.H. et vient du Minnesota, Même si son mari se nomme Walter, bien des analogies existent entre l’auteure et la narratrice.
Lorsque la littérature new-yorkaise est portée par la plume d’une femme, et qu’en plus il s’agit de Siri Hustvedt, mes désirs de lectrice sont comblés.
À cette égard, nous différons, mon moi intérieur et moi. Il m'était impossible à 23 ans de savoir que la terrible expression "la vie est courte" a un sens, qu'à a 61 ans je sais que j'en ai beaucoup moins devant moi que derrière et que si elle n'était pas elle terriblement curieuse d'elle-même en tant qu'elle-même je suis moi devenu curieuse d'elle comme d'une incarnation d'espoir et d'erreurs qui ont eu ou semblent avoir eu un effet déterminant sur ce que je suis à présent.
*
Nous sommes tous des créatures animées de désir, et nous désirons parfois rétrospectivement, pas seulement dans la perspective de l'avenir, reconstruisant ainsi la curieuse architecture déglinguée de la mémoire en structure plus habitable.
*
Mort à 29 ans, Shelley devient un martyr littéraire car le monde adore les poètes, les acteurs et certains romanciers qui meurent jeunes et jamais n' auront ni bajoues ni ventre ni arthrite, et on les aime encore plus s'ils sont tourmentés, hallucinés et suicidaires, car l'artiste calme et raisonnable dans l'espace est abondante n'engendre pas le même frisson.
*
Un aspirant despote trapu et dérangé court d'un bout à l'autre du terrain de croquet en beuglant : « Qu'on leur coupe la tête ! » Nous vivons au Pays des merveilles à présent. Peu importe qu'il ignore tout du protocole, qu'il tienne des propos aussi grossier que hideux, ou qu'il mente. C'est un grand homme, le héros du peuple et eux, "le peuple", ils adorent ses fanfaronnade et sa colère ses allez-vous faire foutre-bande d'intellos-citadins-snobinards-qui-vous croyez-trop-bien pour nous, nous, le vrai peuple, nous les Blancs d'ici, dans la Prairie
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire