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Le cercle des hommes

Pascal Manoukian








  • Broché : 336 pages
  • Editeur : Le Seuil (2 janvier 2020)
  • Collection : Cadre rouge
  • Existe en version numérique
  • Langue : Français












Un voyage magique au coeur du poumon de la planète, celui-là même que l’âpreté au gain d’humains imbéciles est en train de détruire sans vergogne. Destruction de la nature, et ce serait un moindre mal, si cette inconséquence ne nettoyait avec la même désinvolture les tribus indiennes que l’Amazonie abrite, pour combien de temps encore. 

Pour Gabriel, qui est l’un des responsables de l’exploitation de ces terres, l’atterrissage est rude, au propre comme au figuré, puisqu’il est survivant d’un accident d’avion.  Recueilli par une tribu, il devra faire ses preuves afin qu’on lui reconnaisse sa vraie nature  : homme ou cochon. L’un d’entre le, le chaman aveugle sait.

On vit avec cette tribu, ces us et coutumes qui peuvent paraître incompréhensibles et qui pourtant sont tellement en communion avec la nature qui l’entoure, pourvoyeuse de tout ce dont ils ont besoin, c’est à dire peu de choses : un peu de chasse et de pêche, de la cueillette, et du feu. Gabriel apprend peu à peu le dénuement, lui qui s’enorgueillissait de sa monte à 250000 euros, qui en plus de donner l’heure, le confortait dans son sentiment d’importance. 


Cette immersion au coeur de la forêt avec les Yacous est un récit extraordinaire, qui allie le spirituel et l’analyse pointue de dérives stupides de notre société dite civilisée.


J’ai adoré ce voyage et la transformation progressive de Gabriel qui est allé chercher sur les lieux même de ce qu’il, était entrain de détruire, un sens à sa vie.

Superbe.

Merci à l'auteur et aux éditions du Seuil pour leur confiance.




Chez les Yacou, il existait 57 mots décrivant très précisément chaque nuances de vert, mais aucun pour dire le profit, la science ou le bonheur. Pour une raison simple : le profit n'existe pas, la science tenait toute entière dans la nature et le bonheur, à part une période sombre, dans le vieux Mue gardait, en plus du secret,  trois moignons et une méchante cicatrice sur le crâne, se révélait être pour les Indiens et depuis toujours un état permanent, une source intarissable.

*
Les hommes, eux, restèrent  pour effacer les traces de leur passage. Rien ne devait trahir leur présence, par respect pour ce monde dont ils dépendaient entièrement d'abord, mais aussi envers chaque être vivant avec qui ils le partageaient, du bousier ramasseur de merde à la fougère phosphorescente et au redoutable jaguar noir. Tous vivaient dans le même cercle depuis toujours. Ils n'en avaient qu'un, précieux, ils se devaient de transmettre ce bonheur sans une couleur, une odeur,  un chant, sans un son ni un cri manquant. Alors ils veillaient  perpétuellement sur son inventaire, remettaient chaque feuille déplacée à sa place, dispersaient les cendres des feux et les restes de repas. Pour ne laisser aucune empreinte, mieux ne valait les effacer jour après jour.

*

Chacun s'installe sur un des cailloux. Pour que personne ne fasse durer les palabres trop longtemps, Mue les choisissait pointus et inconfortables. Afin de lutter contre les résistants ou mal, des petits paniers remplis de fourmis rouges au venin particulièrement urticant étaient au pied de chaque pierre. En général les insectes mettaient moins d'une heure à trouver une sortie. La méthode, plus efficace qu'un président de séance, coupait  court instantanément aux débats inutiles et aux débordements;

*


Reflet ôta le bouchon de cire du bambou, avala une rasade, le secoua par les pieds et lui cracha le jus fermenté au visage. À la quatrième tentative, le corps minuscule se mit enfin en marche, sauvé par les effluves d'alcool. Un service de réanimation néonatale à la pointe de l'innovation, sourit Gabriel, soulagé, en repensant à la brochure de l'hôpital américain de Neuilly
















Pascal Manoukian
est journaliste grand reporter, il a couvert la plupart des grands conflits qui ont secoué la planète entre 1975 et 1995.

En 2013 il prend la direction de la célèbre Agence Capa. Il la quitte en 2016 pour se consacrer entièrement à l'écriture. 



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