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Des mirages plein les poches

Gilles Marchand

























Elles sont variées, ces nouvelles. Des courtes, des longues, des simples et des complexes, l’une d’elles s’offre même le luxe de se décliner avec plus de notes de bas de pages que de textes, mais elles ont tout de même un point commun, la capacité d’imagination, jusqu’au délire, du narrateur. 
Détricotant le fil de la vie, comme annoncé dans le premier texte, l’auteur s’attache à démontrer l’incohérence de rêves poursuivis jusqu’à l’absurde. qu’il s’agisse de combler le vide d’une maison, de se la jouer musicien, ou remettre sa foi dans le pouvoir des objets, c’est un quotidien banal que l’on orne de décorations brillantes comme un sapin de Noël, au risque que les bougies ne transforment la fête en drame. Beaucoup de solitude également dans ces décors quelle sens abandonne. 

Le ton reste léger, humoristique, ce qu’évite l’écueil d’un désespoir contagieux. 


Même s’il est vraisemblable que ces textes aient nécessité un travail considérable, l’ensemble paraît naturel, comme un don d’exprimer les choses sous un angle original, de changer les codes, pour mettre en lumière la logique aberrante de nos comportements ordinaires. 



Pour les amateurs de bons gros pavés comme moi, la frustration pourrait faire surface; Mais non. Chaque histoire courte est semblable à un bourgeon printanier, qui met en évidence un vrai don pour l’écriture, prête à servir la cause d’un roman consistant. 

Merci à Babelio et aux éditions Pocket pour leur confiance.



Le troisième verre, enfin. Petit, le vert. Pas question d'être ivre. Ivre tout seul, le soir de Noël, quelle déchéance. J'aurais pu rejoindre la dame au chien, lui proposer un verre ou des cacahuètes, caresser son animal par politesse, le flatter. Elle aurait eu peur sans doute. Il aurait aboyé et recommencé  à uriner sur les jambes de sa maîtresse. Peut-être que c'est par là que j'aurais dû commencer : uriner sur les jambes de sa maîtresse pour le plaisir de me faire sermonner. je ne suis plus au fait disconvenions sociales...

*

La première fois que je l'ai amenée chez des amis, j'ai préféré ne rien leur dire. Pour une surprise, ce serait une sacrée surprise. Terminé le refrain du dernier à ne pas avoir d'enfant. Finis ces regards étonnés voire agacés parce que je ne faisais pas partie de leur monde. J'ai donc débarqué avec ma petite lampe sous le bras, emmitouflée dans des langes bien doux pour laprotéger du froid.

*

Il n'y avait pas de musique. Il n'y a pas de voyage sans musique. Alors j'ai enfoncé mes mains dans l'eau. Pour le rythme. J'ai ramé. Lentement. La côte s'est rapprochée. Il y avait du monde. L'été était revenu sans que je m'en aperçoive, ma sirène avait retrouvé ses lunettes de soleil et les oiseaux avaient repris leur course folle dans le ciel. A la fin, c'est toujours la musique qui gagne et les oiseaux n'ont rien à dire sur la pertinence de nos déguisements .





Gilles Marchand
est écrivain et éditeur.
Son premier roman solo, "Une bouche sans personne" en 2016, attire l'attention des libraires et de la presse. Il est notamment sélectionné parmi les "Talents à suivre" par les libraires de Cultura et remporte le prix des libraires indépendants "Libr'à Nous" et le prix Hors Concours en 2017. 

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