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Les Magnolias

Florent Oiseau








  • Broché : 219 pages
  • Editeur : Allary (2 janvier 2020)
  • Existe en version numérique 
  • Langue : Français











Florent Oiseau aime les perdants. Les laissés pour compte du système. Alain est un acteur, dont le seul rôle, dix ans plus tôt, était celui d’un cadavre, au début d’un épisode de série télé. Si l’étiquette lui est restée, et s’il la revendique, le succès ne vient pas et même pas l’occasion de faire ses preuves. Son agent court après le cachet, sans rien décrocher.


Son emploi du temps désertique lui permet de se rendre quotidiennement aux Magnolias, où sa grand-mère s’étiole avec la perte progressive de la trame de sa vie. Les odeurs, la mesquinerie de ceux qui gèrent le quotidien dans cette antichambre de la mort, tout cela est fort bien épinglé.

C’est la découverte d’un cahier intime appartenant à son oncle qui lui fait prendre conscience que sa grand-mère n’est peut-être pas celle que l’on croyait.

Une réelle tendresse transparaît entre les lignes chargées d’un humour parfois corrosif. Des scènes burlesques viennent alléger ce récit plutôt sombre : un femme au crépuscule de sa vie, un quadra seul, sans boulot, il faut de la dérision pour alléger le cadre déprimant.


Florent Oiseau s’en sort, bien, avec moins d’outrance que dans Je vais m’y mettre. Et c’est plutôt agréable. 


 Tu sais, un jour t’es jeune, t’es presque beau et t’es libre. Tu vis la nuit, tu traînes dans les bars, tu chasses les nanas. Tu te fous d’être riche ou pauvre. T’as des projets, des rêves. T’en parles le soir avec tes potes, autour d’une table, sur un bout de comptoir, sous un réverbère ou dans un square. Vous buvez des coups, vous fumez des joints. Vous vivez en colocation dans une baraque en bordel avec un chat que personne ne pense à nourrir et vous enchaînez les galères et les moments de joie. Vous faites des puzzles sous LSD et vivez de petites combines. Tu bosses à droite à gauche, parfois tu te castagnes avec d’autres types de la ville d’à côté. Tu fais un peu de prison. Et tu n’échangerais cette vie-là pour rien au monde. Tu ne demandes rien à personne, et pourtant, un jour, une femme te met le grappin dessus et c’est fini. T’es niqué, inutile d’essayer de te débattre. Tu l’aimes. Ou tu penses l’aimer. Tu trouves ça confortable, rassurant. Tu baises un peu par passion, puis très vite par réflexe, ou pour éviter d’avoir à jacter. Petit à petit, tu ne vois plus tes copains. Tu manges au restaurant chinois le samedi soir. Vous prenez toujours le même menu de merde. Après vous être accordés sur le fait que ce n’est pas terrible et que le service s’est détérioré, vous rentrez vous mettre sous un plaid. Une daube à la téloche, on te caresse la tête comme on le ferait avec un greffier. Un beau matin, tu lui fais un gosse, enfin, elle t’en fait un. Très vite, elle se l’accapare. Ton couple devient un « deux plus un ». On te fait comprendre que tu n’as rien porté, rien subi. Que tu ignores ce que ça représente de mettre au monde un enfant. Les écoulements vaginaux, la dilatation de ton col de l’utérus, les vergetures, les pertes de sang et de merde devant une équipe médicale, l’incontinence postaccouchement, des semaines à te pisser dessus dans les parcs sans même le sentir quand tu te baisses pour ramasser un truc. Tu ne sais rien de tout ça. Alors tu offres des fleurs. Tu achètes de la chantilly, tu fermes ta gueule. Et tu ne rêves plus.

*

Pourtant, derrière les ronds de serviette, sous les gants de toilette, au fond du panier à pain, se cachait une autre histoire, une autre réalité. La face plus sombre d’une femme que la simplicité apparente ne suffisait pas à résumer. Elle faisait des tourtes, mais elle aimait les hommes, aussi. J’avais toujours – par ignorance – pensé ces deux activités incompatibles, comme si l’on pouvait scinder le monde en deux. D’un côté, ceux qui font des trous à la fourchette dans une pâte feuilletée, de l’autre, ceux qui s’abandonnent dans les champs de fleurs de l’Ombrie. Un cœur, mais aussi un corps. Une mère, une amante, une paysanne, une épouse, une grand-mère, une sœur. Un pilier, un rempart, un souffle, une confidente. Une femme. Une femme incroyable.


*


Florent Oiseau a été pompiste, chômeur, barman, plongeur, réceptionniste de nuit, ouvrier dans une usine de pain de mie, crêpier, et employé de train de nuit. Il est aujourd’hui surveillant dans un lycée de la banlieue parisienne.


Il publie en 2017 "Je vais m’y mettre", son premier roman 




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