- Poche : 480 pages
- Editeur : Pocket (16 août 2018)
- Collection : Best
- Existe en version numérique
- Langue : Français
C’est un cadeau immense et délicat qu’Evelyne Pisier offre à sa nouvelle amie Caroline Laurent, juste avant de titrer sa révérence. Caroline se retrouve détentrice des souvenirs et des secrets d’une femme au destin hors norme. C’est à elle d’en faire un récit, le plus fidèle possible, avec les contraintes de discrétion souhaitées, et en comblant les vides sans interpréter plus qu’il ne se doit.
C’est ainsi qu’en plus de la trame historique qui lui a été confiée, Caroline Laurent nous confie les difficultés d’une telle entreprise, augmentées du chagrin d’un abandon involontaire.
Les relations particulières de l’éditrice, rédactrice liée par une affection profonde à sa confidente laissent entrevoir le désarroi de l’absence et les éternelles questions de ce qui doit ou non être livré.
Quand au destin d’Evelyne Pisier, il a de quoi étonner, surprendre, et fait d’elle une réelle héroïne de roman d’aventure. On y croise des people aussi célèbre que Fidel Castro ou Bernard Kouchner, et bien d’autres!
En filigrane de ce récit mouvementé, qui débute dans les geôles indochinoises, et se poursuit en France, en Nouvelle-Calédonie, ou à Cuba, se dessine le parcours atypique d’une future militante féministe, dont le combat a débuté assez tôt, lorsque dans on plus jeune âge elle été confronté au machisme outrancier de son propre père. C’est aussi en réaction à celui-ci, qu’elle adhère à des valeurs humanistes, qui rejettent la haine de la différence.
Après quelques difficultés de lecture au départ, en raison des identités fluctuantes des personnages, entre réalité et fiction, le récit m’a vraiment séduite, et convaincue.
Le camp avait ses lois, ses codes et ses rituels. Tous les matins, les gardes forçaient les prisonnières à réciter la prière. Une femme était désignée par le soldat en faction, se mettait à genoux et énumérait les règles de bonne conduite : obéir scrupuleusement aux ordres, ne pas parler sans y avoir été autorisée, ne pas se plaindre, ne pas se déplacer dans la cellule, remercier avant et après chaque « repas ».
*
Septembre arriva avec ses fortes chaleurs. Les roses fanaient sitôt qu’elles étaient écloses. D’autres bourgeons pointaient, s’ouvraient, qui mouraient le soir même. Le cycle de la vie était désespérant. Mona avait le sentiment de ne servir à rien. Devant elle, son ventre grossissait, animé d’une force autonome qu’elle ne maîtrisait pas. En dehors de son ventre, il ne se passait rien, rien ! C’était effrayant. Les visites de sa mère coupaient un peu sa solitude, mais entre André au bureau et Lucie à l’école, les journées s’étiraient comme un gros chat. Le soir, son ronron déplaisant la hantait : « Et aujourd’hui, qu’as-tu fait ? Rien, rien, rien. » Dire qu’elle se rêvait médecin ! Elle n’était pas mauvaise à l’université. Peut-être aurait-elle redoublé sa première année, comme tout le monde ; elle se serait acharnée. Maintenant… Elle passait des heures à se faire des masques à l’œuf et au miel, elle enduisait sa peau de beurre de karité, se frictionnait au monoï. Elle avait hâte que naisse son bébé.
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