- Broché : 176 pages
- Editeur : Gallimard (3 janvier 2020)
- Collection : Blanche
- Existe en version numérique
- Langue : Français
Daniel Pennac est un malin, un manipulateur, qui sous prétexte de vous raconter ses rêves vous entraîne et vous perd dans un récit chaotique où une vache n’y reconnaitrait pas son veau!
C’est plutôt pénible, d’habitude, de s’entendre raconter des rêves auxquels vous n’avez pas participé, et pour cause. Mais là, on en redemanderait! D’ailleurs on ne sait jamais où l’on se trouve, dans le rêve ou dans la réalité, même l’auteur semble se perdre à la lisère de ces deux mondes.
Et comme de tout façon, l’art de conter est une de ses dons incontestables, on se lasse porter par le récit, quitte à attendre la fin pour y comprendre quelque chose, ou pas.
C’est aussi l’occasion d’apercevoir l’univers onirique et cinématographique de Fellini, cinéaste, apprécié de notre narrateur et qui faisait de ses rêves un matériau propice à la création de ses films. Quant aux liens évoqués avec l’auteur d’Amarcord…
Très plaisant, très court, mais très dépaysant, ce roman fait partie des textes difficiles à classer. Entre rêves et réalité.
Pour autant qu’on puisse dater ce genre de naissance, je suis devenu écrivain la nuit de cette conversation avec Louis. J’avais dix ans et j’affirmais à mon meilleur copain que la lumière c’est de l’eau.
— De l’eau, tu es sûr de ce que tu dis ?
— Parfaitement, la lumière c’est de l’eau.
— La lumière électrique ? Celle de notre lampe de chevet ? C’est de la flotte ?
*
Ce que je vis dehors me pétrifia. Ce n’était pas seulement notre maison qui était inondée, c’était la ville entière. Des cascades de lumière morte coulaient sur les façades des immeubles. Les appartements vomissaient comme des ivrognes en fin de fête : coulées d’or et de miel, coulées blanches et poussiéreuses des néons, coulées multicolores des téléviseurs, flots de marbre liquide, ça dégoulinait de toutes les fenêtres jusque sur les trottoirs, ça emportait les poubelles qui flottaient en se dandinant et c’était si glissant qu’au carrefour de l’église les voitures se rentraient dedans, malgré les efforts de l’agent qui gesticulait pour tenter de régler la circulation.
*
Louis avait raison. Chaque matin depuis toujours, quand j’ouvre les volets sur le Vercors, c’est un paysage qui s’offre à moi. Et quel paysage ! Pas une seule maison jusqu’à l’horizon, au nord comme au sud. Rien que le moutonnement sombre de la forêt, au loin, sur les contreforts de la montagne, et le lent encerclement des champs de blé autour de nous. L’explosion des nuages, aussi, immensément blancs dans le ciel bleu. Les arbres que mes parents ont plantés dans ma petite enfance s’épanouissent aujourd’hui très au-dessus de la maison. Ils regardent nos générations de haut. Les arbres, ici, le tronc soyeux des bouleaux, la ramure formidable des hêtres, les sapins couchés par le vent du nord, les grappes lumineuses des sorbiers à la fin du mois d’août, tous ces arbres dans tout ce vide me parlent de toute ma vie. Un écrivain, même bourré d’imagination, ça n’invente pas grand-chose. La plupart de mes trouvailles sont des souvenirs qui font des histoires. Et ces histoires, je les écris ici, dans la cabane que mon père, jadis, a construite pour ma mère. Elle est en planches. Elle a, comme moi, blanchi avec le temps. Elle a résisté aux froids terribles des hivers, au poids écrasant de la neige, aux pluies torrentielles des printemps, aux étés de plus en plus brûlants et au vent surtout, qui souffle ici presque toute l’année et qui a fini par lui donner son air penché.
Daniel Pennacchioni, dit Daniel Pennac, est écrivain français. Dans la Série Noire, il publie en 1985, "Au bonheur des ogres", premier volet de la série des Malaussène, une série de polars humoristiques. Il diversifie son public avec une tétralogie pour les enfants, "Kamo" (1992) mettant en scène des héros proches de l'univers enfantin, préoccupé par l'école et l'amitié.
À ces fictions s'ajoutent d'autres types d'ouvrages : un essai sur la lecture, "Comme un roman" (1992), deux ouvrages en collaboration avec le photographe Robert Doisneau et "La débauche", une bande dessinée, avec Jacques Tardi (2000).
"Chagrin d'école", un livre tenant de l'essai et de l'autobiographie publié en octobre 2007 aux éditions Gallimard, a reçu le prix Renaudot la même année. Avec "Mon frère" (2018), hymne à l'amour pour son aîné disparu, Daniel Pennac livre un poignant récit intime.
(Source : Babelio)
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