- Broché : 528 pages
- Editeur : Belfond (4 mai 2017)
- Collection : Roman
- Existe en version numérique
- Langue : Français
Etait-ce vraiment une bonne idée que de lire ce roman de (proche) anticipation en une période où les peurs plus ou moins rationnelles gouvernent nos quotidiens? Pas sûr, quelques cauchemars ont complété l’effet diurne de cette lecture terrifiante.
Les Mandible, en 2027 ont déjà subi la catastrophe de « l’âge-pierre » : une cyber-attaque a privé les américains d’internet avec toutes les conséquences que l’on peut aisément imaginer.
Mais cinq ans plus tard, c’est un autre cataclysme qui s’abat sur cette nation autrefois arrogante, et imbue d’elle-même. De sombres tractations financières internationales confèrent au dollar une valeur de roupie de sansonnet, à moins d’abdiquer en adoptant la monnaie internationale, le bancor.
Le refus du président entraine la faillite complète de tous les possesseurs de devises, comme en 29, et met la nation entière sur la paille. Comme on peut s’y attendre, l’instinct de survie fait ressurgir des comportements de violence incontrôlables et plus accessoirement des ruées sur le papier toilette!
La famille Mandible qui lorgnait sur l’héritage du doyen comprend que ses rêves sont caduques. Commence pour eux une descente aux enfers dramatique.
Le roman insiste sur les mécanismes du marché de la finance mondiale , de façon fort adroite puisque l’un des personnages, Lowel, est prof universitaire en économie. Malgré cela, j’avoue être aussi ignorante après qu’avant, tant le fonctionnement de ce bazar m’est obscur. On en comprend cependant aisément les conséquences et la fragilité d’un tel système.
C’est écrit avec l’assurance de quelqu’un qui possède son sujet et les personnages suscitent une grande empathie , malgré leur limites et leurs petites mesquineries. J’aime particulièrement Enola, la grand-mère qui avec une constance parfaite, sur les 40 ans que dure le récit, effectue ses séries de jumping-jack et refuse de se séparer d’une caisse de livres qui lui restent de son passé de romancière à succès.
C’est brillant, glaçant, et ça nous pend au nez.
Challenge Pavés Babelio 2020
Mi querida, quelle rabat-joie tu fais! Si l'Âge-pierre nous a appris quelque chose, c'est que notre univers peut basculer en un claquement de doigts. Dans les petits répits que nous laissent les catastrophes, autant essayer de prendre du bon temps.
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Comme 1984, qui semblait très loin quand Orwell l'a écrit, mais quand 1984 est finalement arrivé, cela n'avait rien d'aussi horrible ou d'étrange ou de triste que ce que l'auteur avait prédit. Les intrigues futuristes parlent surtout de ce quelles gens redoutent au présent. Le futur n'est pas le dernier monstre caché sous le lit, le grand inconnu. La vérité est qu'au fil de l'histoire, les choses s'améliorent sans cesse. En moyenne, le niveau de vie de la population est en amélioration constante. Lentement mais surement, notre espèce devient moins violente. Mais les écrivains et les réalisateurs ne cessent de prédire l'effondrement total. C'en est presque drôle. Donc, ne t'inquiète pas. Tu as un bel avenir devant toi, qui sera de plus en plus beau.
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En elle-même la théorie de la complexité n'a rien de véritablement complexe, rétorqua Nollie d'un ton plaisant, sans mordre à l'hameçon. L'instabilité des systèmes augmente exponentiellement à mesure qu'ils se complexifient. En d'autres termes, ils déconnent de plus en plus, jusqu'à ce qu'un minuscule grain de sable vienne tout foutre en l'air. Comme un château carte : on ajoute la reine de coeur, et vlan, cinquante-deux cartes par terre .
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S'ajoutait aussi l'enjeu du papier-toilette, aux connotations émotionnellement chargées. Dans la plupart des grandes villes, tout le monde le stockait par lots familiaux, ce qui entrainait des pénuries et des flambées de prix. Au centre d'hébergement , il était devenu impossible de continuer à approvisionner les toilettes, car les résidents piquaient les rouleaux ; le département des services des sans-abris avait envoyé un mémorandum annonçant l'arrêt du financement de toutes les fournitures papier, quelles qu'elles soient, au net détriment olfactif d'Adelphi. Les lieux publics tels que les grands magasins et les musées avaient eux aussi cessé de fournir de quoi se nettoyer après ses ablutions personnelles, vraisemblablement après avoir été victimes du même genre de chapardage par une clientèle issue d'une classe sociale supérieure.
Lionel Shriver, est une auteure et journaliste américaine.
Élevée dans une famille aux valeurs religieuses importantes (son père étant pasteur presbytérien), elle changea de nom à l'âge de 15 ans, forte de sa conviction selon laquelle les hommes avaient la vie plus facile que les femmes.
En 2005, elle gagne le prix Orange pour "We Need to Talk About Kevin", un roman à suspense avec une étude approfondie sur l'influence de l'ambivalence maternelle sur la décision du personnage de Kevin d'assassiner sept étudiants de son école. Le livre a créé de grandes controverses avant de devenir un succès.
Voir aussi Propriétés privées du même auteur
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