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Le Cafard ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

Ian McEwan


  • Broché : 160 pages
  • Editeur : Gallimard (28 mai 2020)
  • Collection : HORS SERIE LITT
  • Langue : Français
  • Traduction (Anglais) : France Camus-Pichon


Avant même de jeter un oeil sur la quatrième de couv (j’aime beaucoup Ian McEwan), je me suis souvenue d’un autre cafard, de taille, celui-là, d’origine tchèque et personnage principal du culte La métamorphose. Alors lorsque dès la première ligne on découvre que le héros se nomme Sams, le doute n’est plus permis : nous avons affaire à un pastiche. Mais l’auteur rusé inverse le processus et c’est la blatte qui se retrouve au réveil dans le corps du …premier ministre anglais!


Le temps de s’habituer à la perte de ses anciens attributs et et d’apprendre à se servir de ce corps humain, et le voilà qui prend ses fonctions. Soucieux de réformer le pays, il propose une révolution : inverser le flux de l’argent. Autrement dit, vous payez pour travailler et recevez de l’argent lorsque vous faits des achats (nul n’est besoin de préciser qu’une petite gymnastique intellectuelle est indispensable pour imaginer le truc). Et c’est là que la lumière surgit : quelle réforme absurde l’Angleterre at-elle récemment proposée , sans trop y croire, prise à son propre piège lors d’un réferendum?



C’est donc une gentille critique à peine déguisée de la politique anglaise, et l’on comprend que l’auteur n’est pas du côté des ségrégationnistes. C’est drôle, emmené, plein d’humour, un peu amer parfois. Juste assez court pour ne pas devenir  barbant et assez long pour régler ses comptes. 




Ce matin­-là, Jim Sams, intelligent mais sans génie, s’éveilla d’un sommeil agité pour se trou­ ver métamorphosé en une créature gigantesque. Il passa un long moment couché sur le dos (nul­lement sa position préférée) et contempla avec consternation ses pieds lointains, ses membres si peu nombreux.  

*

Que l’on inverse le sens de la circulation de l’argent, et tout le système économique — la nation même — sera purifié, purgé de son absurdité, de ses gaspillages, de son injustice. À la fin d’une semaine de travail, une employée remettra à sa firme une somme correspondant à toutes ses heures de dur labeur. Mais quand elle ira dans les magasins, elle rece­vra une compensation généreuse, équivalant au prix de vente de chaque article qu’elle empor­tera. La loi lui interdisant d’amasser de l’argent liquide, celui qu’elle déposera à la banque après sa journée exténuante dans une galerie mar­chande sera placé à des taux d’intérêt fortement négatifs. Avant que ses économies ne soient réduites à néant, elle aura donc la sagesse de chercher un emploi plus cher, ou de se former dans ce but. Plus intéressant, et donc plus coû­teux, sera celui qu’elle trouvera, plus elle devra s’adonner au shopping pour se l’offrir. L’éco­nomie sera stimulée, il y aura plus d’ouvriers qualifiés, tout le monde y gagnera. 







Ian McEwan est un romancier et scénariste anglais.
Père de deux fils, il habite dans la City de Londres près de la gare St Pancras, une vaste maison victorienne qui apparaît dans son roman "Samedi" (Saturday, 2005).









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