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Là où nous dansions ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Judith Perrignon





  • Éditeur : EDITIONS PAYOT & RIVAGES (6 janvier 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 345 pages
  • Première sélection Prix Orange




Tout est centré sur un quartier maudit de Detroit, une ville à l’histoire cahoteuse, qui subit de plein fouet les soubresauts de l’histoire, de la construction médiatisée, revendiquée par Mme Roosevelt, au démantèlement sans état d’âme dans les années 60. Les prétextes sont faciles, modernisation, nécessité de créer des voies de communication, gentrification ….

En filigrane, l’histoire d’une ville martyre, victime d’une catastrophe économique, emportant dans son torrent les hommes et femmes qui y avaient un instant posé leurs valises. 


Et c’est au coeur de ce terreau instable, sans cesse bousculé par les mouvements sociaux, les violences comme mode de vie, que surgissent des graines de pépites qui feront la célébrité de la fameuse Motown. 


A partir d’une enquête de Sarah, médecin légiste, fil rouge du roman, les voix se croisent et alimentent l’histoire, la petite et la grande, des années 20 à nos jours, à travers les regards de la communauté ballotée au gré des décisions politiques et économiques, entre solidarité et violence, du sordide au sublime.


Histoire romancée passionnante qui met en lumière la force et la détermination de ces américains méprisés, subissant sans droit de réponse les caprices de dirigeants déconnectés de la réalité.



La joue doit être plus rebondie. Une joue qui n'a pas encore vu fondre l'enfance. Plus ronde encore. Gommer. C'est ça, qu'elle ne s' efface  qu'à la naissance du cou, laisse une ombre au coin de sa bouche. Charnue, sa bouche. Il est si jeune. Il a le visage doux. De bonne foi. Ce n'est pas le mot qui convient. Innocent, peut-être. Il n'est pas d'ici.

*

Il a dû profiter de l'été pour venir comme tant d'autres contempler la fin du monde. Deux grain de beauté, l'un sur la narine, l'autre au milieu de la mâchoire. Ils font ce qu'ils veulent, les grains de beauté, ils dessinent sur nos peaux d'étranges constellations. Impossible de dire pour le côté gauche. La balle est entré sous l'oeil.

*

Comme une rencontre, même avec les morts. Il faut de la compassion, s'attacher à eux, oublier leurs odeurs, leurs plaies et leur chair en décomposition, il faut leur chercher une histoire, une famille, penser à ceux qui les aiment, à ce qu'ils faisaient de leur existence, leur donner un nom, même s'il n'en ont pas. Elle vient pour les faire parler encore. Sinon pourquoi être là.

*

Les étudiants sont sages une de nos jours. C'est probablement parce que les facultés sont hors de prix. Alors soit tes vieux ont les moyens et t'as rien à reprocher à la société, soit t'as fait un emprunt sur 30 ans et ça t'a coupé l'envie de faire la révolution. C'est calme donc. Mais je m'endors difficilement.

*

À contempler l'armée des hommes en bleu de travail, il avait fini par comprendre ce qui était en train de se passer : L'humanité était en fin de course, l'homme réduit à son bras, interchangeable, privé de ses yeux, de sa liberté. Sûrement même qu'il ne saurait jamais être libre.







Judith Perrignon est une journaliste, écrivaine et essayiste française, née en 1967



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