Feu, c’est l’histoire d’un amour, adultère, banal.
Lui vit seul, travaille dans la finance, avec les risques que cela comporte en cette période troublée où de nouveaux objets de consommation, masques et gel, ont fait leur apparition, et se confie à Papa, un bouvier berlinois qui partage son quotidien.
Elle enseigne à l’Université, quand elle n’organise pas le quotidien d’une famille ordinaire, un mari médecin généraliste, une ado rebelle et une gamine.
La rencontre se fait autour d’un projet de colloque, mais la solitude ressentie, l’âge des dernières occasions et un nuage de phéromones volatiles modifie l’essence de leur rapport.
Ce qui crée l’intérêt de ce roman, ce sont la construction et l’écriture.
L’alternance des points de vue crée une dynamique dans le récit et met bien en valeur les enjeux si éloignées qui vouent à l’échec la relation, viciée dès le départ.
Si l’homme s’adresse à son chien, et l’effet comique est réussi, la femme se parle à elle-même, avec le recul que crée le tutoiement, comme si elle se regardait vivre, comme dans une expérience de sortie de son propre corps.
En filigrane, la présence éternelle et plombante des mères, oiseaux de mauvaise augure et génératrices de culpabilité…
Jolie trouvaille que les titres de chapitre qui donnent un bulletin concis de l’état physiologique de l’amant.
Avec un humour parfois un peu cynique, et beaucoup d’esprit, l’auteur signe là un roman qui devrait se distinguer au cours de cette rentrée, et l’efficacité de l’écriture est une belle incitation à revenir sur ses écrits passés.
Tu t’étonnes de ces mains de fille nouées par erreur au corps d’un homme. Doigts frêles, attaches poncées, phalanges adoucies, et sous la peau trop fine pour en masquer la couleur, les veines sont enflées. La droite s’agitant au-dessus des olives et du pain, tu vois remuer un muscle vulnérable, d’enfant, qui bientôt tremble quand il soulève la carafe. Tout ceci est très fragile et pourrait se briser dans un geste un peu vif. Tu penses qu’il serait incapable de t’étrangler. Tu notes les ongles limés court, l’annulaire sans alliance ni trace de, les extrémités blanches, exsangues, et presque mauves. Chez lui le retour du sang au cœur se fait mal et par à-coups. Entre la malléole et le drap sombre du costume, tranchent deux centimètres de coton épais, immaculé. Tu supposes une chemise étroite lavée une fois, portée deux. Maximum.
*
Le lendemain, j’ai rejoint Hector au petit déjeuner et tout rempli de brioche qu’il était, je lui ai reporté la soirée. Il avait du mal à avaler. Je lui ai dit Hector, j’ai réagi. Ludo m’a sonné, j’ai couru, j’allais pas prendre le temps de te réveiller ou d’attendre le lendemain si ? En six heures, on a le temps de perdre des financements, on n’est pas là pour le paysage. On peut tuer le Groupe en vingt-quatre heures, tu y penses au Groupe, Hector ?
*
Le conseil de département est parvenu à rassembler au moins deux tiers des enseignants, un taux de présence qui, pour un 2 septembre, s’apparente au carton plein. Chacun a su s’éviter un bronzage trop prononcé et les remarques assassines qui fusent ici pour un rien, pour un air de se défoncer moins que les autres pour ses 1 900 euros nets. Vous êtes supposés élaborer des contenus pédagogiques depuis le 10 août et de toute façon personne n’a vraiment les moyens de préférer autre chose que le nord du Portugal, l’Italie, le haut de la Bretagne, les vols courts pour Prague et Amsterdam.
Maria Pourchet, née en 1980, est une romancière française, sociologue de formation.
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