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Au printemps on coupe les ailes des oiseaux ⭐️⭐️⭐️⭐️


 Marion Guénard











A Paris, Mariam est heureuse et comblée. Une brillante carrière, deux beaux enfants. La fatigue vient à peine troubler le quotidien dense mais semble-t-il serein. Ce sont des carnets d’adolescence, découvert par son mari, qui viendront rompre l’équilibre et casser la surface lisse de cette apparente félicité. L’écriture de la jeune fille exprime sa révolte, ses ambitions de revendications politiques, et les souvenirs enfouis d’une vie différente sur la terre de ses ancêtres. 



Hors, là-bas en Egypte, après la révolution avortée, les espoirs bafoués d’une jeunesse qui attendait le changement, les quelques résistants luttent clandestinement contre une dictature qui frappe aveuglément pour un geste, pour un soupçon ou sur le coup d’une délation. 


Mariam ne réfléchira pas longtemps pour prendre une décision…


C’est un roman nécessaire, qui vient rappeler que les titres principaux des journaux ne reflètent pas la réalité d’un monde où sévissent des régimes qui foulent au pied jour après jour les droits les plus élémentaires. 


Porté par des personnages forts de leurs convictions et qui n’ayant plus rien perdre, sont prêts à tout donner. 


Malgré une fin un peu courte et abrupte, (mais comment terminer une histoire qui n’est pas finie ?), l’écriture vive et passionnée de l’autrice mène le récit tambour battant et avec une belle fougue. 


304 pages Editions de l'Aube 6 janvier 2022






 Une porte lourde se referme sur eux et sur la lumière du jour. Ils sont maintenant à l’intérieur, les yeux grands ouverts, en lutte avec l’obscurité nouvelle. Un cliquetis métallique déchire l’air immobile. Le pas de l’homme qui marche devant eux résonne dans l’espace aveugle. Ils avancent, lui devant, eux derrière, dans un couloir sans fin et sans fenêtre, au rythme des clés qui pendent à sa ceinture. Ils pourraient bien ne jamais sortir de là, de ce nulle part dont on peine à croire qu’il existe vraiment, hormis dans les cauchemars de ceux qui restent dehors. Kaouthar s’accroche à sa mémoire comme à une balise de détresse, à cette carte mentale des lieux qu’elle dessine dans sa tête à mesure qu’ils s’enfoncent dans les ténèbres.

*

L’élan fratricide des Égyptiens avait profondément blessé Halim. Il découvrait chez ses compatriotes un goût du sang qu’il ignorait jusqu’alors. Gamin, il avait toujours connu les Frères de son quartier – le pharmacien, les camarades syndicalistes de son père, et d’autres encore. Il ne comprenait pas. Comment avait-on pu les transformer, en un été, en des moutons bons à égorger ? 

*

Kaouthar se souvient des yeux ébahis de ses parents, leur sidération quand elle leur avait déclaré qu’elle ne dormirait plus à la maison tant que le dictateur s’accrocherait au pouvoir. Elle avait vingt ans et ne comprenait pas la frilosité de ces adultes qui s’accrochaient à leur confort, leurs habitudes au lieu de regarder devant eux, la tête droite. Elle ne savait rien de cette fatigue qui s’accumule avec les années et qui empêche, au bout d’un moment, de s’écarter du sentier que l’on a creusé à force de marcher au même endroit. La seule chose qu’elle comprenait alors, c’était l’urgence de la révolution. Ses parents avaient essayé de l’enfermer en vain. Rien ne pouvait résister à la force de sa jeunesse.






Journaliste, Marion Guénard a vécu au Caire pendant plusieurs années. A la manette de plusieurs reportagespour France Télévision entre autres, elle a couvert la révolution égyptienne pour de nombreux médias francophone. 
 "Au printemps, on coupe les ailes des oiseaux est son premier roman.





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