Lucie Bordes
Le roman commence sur un cri de rage. Deux pages de colère, de ressentiment, les confidences d’une femme qui avait renoncé à l’écriture et reprendra la plume pour dire son mal-être. Ces phrases dures se construisent dans un futur proche. L’expiation suivra.
On revient en arrière, en 2018 alors qu’une fébrilité malsaine semble agiter la population du Bas Pays : les queues se forment aux stations d’essence, le climat est hautement délétère. Les tâches se poursuivent cependant, et la narratrice participe à des sélections de candidats sur dossier, alors que la grogne s’amplifie avec l’arrivée de migrants indésirables. Les propos ignorants et malveillants l’irritent mais son attention est attirée par une femme vite qualifiée de folle, qui obsédée par un métronome, illustre de propos bien sentis les surfaces publiques qui s’offrent à elle.
C’est en 2033 que se pursuit le récit. On a rejoint le Haut Pays, dans un décor désolé, alors que tout semble sous haute surveillance : le lieu est un passage reconnu pour ceux qui voudraient franchir la frontière.
Peu de personnages, mais des portraits taillés à la serpe autour de cette narratrice écorchée, en équilibre entre deux mondes contigus, celui d’avant en sursis sur ses contradictions et celui d’après où ce qui subsiste est ce que l’on redoutait le plus, un monde inhumain campé sur les droits qu’il s’arroge.
L’écriture, celle là même à laquelle la narratrice dit avoir renoncé, est magnifique, très expressive et porte la colère et la désespérance avec noblesse et légitimité.
Un récit comme une prophétie, qui déroule les possibles inscrits dans les incidents de nos vies.
176 pages Les Avrils 5 janvier 2022
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