Virginie Despentes
Cher Connard, ça commence fort, sans filtre, comme ces échanges sur les réseaux sociaux, sans nuance, l’insulte brandie comme une arme dans une altercation visant à détruire l’interlocuteur par la violence des propos. La surenchère est à peine probable, on atteint d’emblée un sommet.
La première lettre, Oscar Jakack, l’écrivain a succès se la prend en pleine face, et elle n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des réactions qui ont fait suite aux accusations de harcèlement dont il a fait l’objet. Il a été un peu trop insistant auprès de son attachée de presse, elle en a souffert à plus d’un titre, et il se trouve qu’elle a une notoriété non négligeable sur le net, où elle défend la cause des femmes.
Cette première lettre d’insulte est écrite par une actrice célèbre. Plutôt que d’ignorer le message, l’écrivain lui répond et tente d’amorcer le dialogue. Il en suivra de nombreux échanges, entrecoupés par les interventions de Zoé, la victime.
Le début tonitruant laisse la place à un apaisement progressif des interlocuteurs et à un vrai débat, autour de la question du féminisme, des féminismes, du patriarcat de l’impact de la célébrité sur le comportement, de la drogue (beaucoup) et des difficultés pour en sortir, des dangers des réseaux sociaux, de leur fonctionnement, de tous nos moyens de communication modernes pas toujours très bien maitrisés ou au contraire parfaitement manipulés par des blackblocks du net.
Bien argumentés, bien développés, les thèmes bénéficient de la plume acérée de Virginie Despentes. La forme est bien adaptée au débat, puisque chaque personnage peut librement s’exprimer dans ses messages. On perçoit l’installation d’une écoute et d’un dialogue sincère entre l’actrice et l’écrivain. C’est plus compliqué pour Zoé, qui malgré les excuses réitérées d’Oscar, ne parvient pas à tourner la page.
Sans oublier, et c'est une chance pour Oscar, les médias ayant un nouvel os à ronger, l'arrivée inopinée de la pandémie...
Beaucoup d’humour, de nombreux clins d’oeil (évocation de personnalités connues), Cher Connard se lit avec plaisir, tout en proposant une réflexion sur le statut des femmes et l’évolution des relations entre les sexes. Avec une note désespérée sur l'agonie de notre société.
Roman phare de la rentrée, qui mérite son succès médiatique.
352 pages 17 Août Grasset
#Cherconnarddespentes #NetGalleyFrance
Je réponds pardon mais le cul est le seul domaine où les mecs se rendent utile. À la maison, au taf, dans la rue, à part faire chier on ne comprend jamais ce qu'ils fabriquent. Mais au pieu, on peut pas le retirer ça, il y a un il y en a qui font tout ce qu'ils peuvent. J'en connais même qui ont un don pour ça.
*
Chères sœur,s encore un effort, nous sommes déjà presque aussi connes que des mecs. Le pouvoir en moins. Nous singeons les mêmes assemblées débiles. Les mêmes indignations feintes. La même rage carcérale le même amour de l'autorité. La même passion pour papa nous écoutant et rendant sa justice. Appelons-le maman si vous voulez, et nous serons quittes.
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Le problème avec Internet, c’est que le gens qui t’ont à la bonne ont moins besoin de le crier que ceux qui souhaitent qu’on te pende.
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C'est un des points forts de l’alcool – il faut que les gens soient vraiment des connards d'élite pour ne pas s'avérer sympathiques une fois qu'ils sont bourrés.
Virginie Despentes est écrivaine et réalisatrice, à l'occasion traductrice et parolière.
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