Marcel Proust
S’il fallait ne choisir qu’un des sept tomes de La recherche du temps perdu, ce serait sans doute celui-là. Il arrive comme une apothéose, l’épanouissement d’une fleur qui a progressivement ouvert ses pétales, la clé d’un cheminement qui a pu paraître erratique.
On y retrouve un certain nombre des personnages qui avaient fait l’objet d’une étude dans les précédents tomes, vieillis, changés physiquement et moralement et décalés socialement, l’immuabilité apparente des rôles et des titres ayant été fort perturbée par le temps et les événements, d’autant que le narrateur est resté longtemps à distance, isolé pour des problèmes de santé.
Nous sommes en 1916. La guerre éliminera certains personnages centraux, comme Saint-Loup, faisant de Gilberte une jeune veuve, qui feint d’ignorer les penchants de feu son mari.
Le baron de Charlus n’a jamais été aussi bas : outre le fait qu’il affiche une sympathie pour l’Allemagne, le narrateur découvre l’existence de ses soirées consacrées au vice dans un hôtel mal famé tenu par Jupien.
Mme Verdurin promue princesse de Guermantes par son mariage, perd cependant de sa superbe. Son sens de la répartie a souffert, ternissant par ce biais le nom même de cette lignée, si adulée dans les premiers épisodes de l’oeuvre.
Ce qui fait aussi tout l’intérêt de cet opus, c’est le fait que les constats du narrateur sur l’évolution du monde qui l’entoure sont un puissant stimulant qui le décident à coucher sur le papier l’histoire des tous ces personnages et donc d’écrire la recherche, dans une mise en abîme remarquable .
Certes l’oeuvre n’est pas une lecture facile, il faudra passer par une période d’essais et d’abandons, jusqu’à ce que la mélodie de cette écriture si particulière se laisse entendre et comprendre, mais pour faire place ensuite à un vrai bonheur de lecture.
447 pages Folio 2 novembre 1990
Il n’est pas certain que, pour créer cette oeuvre littéraire, l’imagination et la sensibilité ne soient pas des qualités interchangeables et que la seconde ne puisse sans grand inconvénient être substituée à la première, comme des gens dont l’estomac est incapable de digérer chargent l’intestin de cette fonction.
*
Rien qu’un moment du passé ? Beaucoup plus peut-être ; quelque chose qui, commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu’eux.
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Alors moi qui, depuis mon enfance, vivait au jour le jour, ayant reçu d'ailleurs de moi-même et des autres une impression définitive, je m'aperçus pour la première fois, d'après les métamorphoses qui s'étaient produites dans tous ces gens, du temps qui avait passé pour eux, ce qui m'a bouleversé par la révélation qu'il avait aussi passé pour moi.
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