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Vers la violence ⭐️⭐️⭐️

Blandine Rinkel



















Violence familiale, que l’on regrette de qualifier d’ordinaire, pour ne pas la cautionner, centrée sur la figure du père.


Le roman est construit autour d’un secret de famille qui n’en est pas un, car si lui, le père, esquive les circonstances précises, les faits sont révélés : la narratrice est le fruit d’une deuxième union, elle sait que son frère et sa soeur sont morts dans un accident.  

De son boulot de flic, elle n’ignore rien non plus, et de son caractère imprévisible, elle a appris à se méfier lors d’épisodes qui marquent la vie d’une petite fille.  


Ce caractère violent, elle s’y est faite, connaît les codes qui permettent de désamorcer le plus souvent les choses, d’autant que ce père sait se faire compagnon de jeu, chef d’orchestre d’histoires fantastiques. Mais on sent malgré tout une souffrance permanente, une souffrance nécessaire qui se sublime par la danse, un art exigeant où la douleur du corps fait partie du contrat. 


Hors, à l’adolescence, les premiers signes de quelque chose de bien plus terrifiant lui apparaîtront.


Toute la première partie, qui relate l’enfance, restitue l’ambiance angoissante d’un univers familial dominé par une être caractériel, dont l’humeur changeante nécessite de s’adapter en permanence pour ne pas déclencher l’orage destructeur. Même si on découvre peu à peu l’importance des drames qui ont jalonné sa vie, on comprend la fuite de la fillette devenue adulte.


La dernière partie est sans doute nécessaire mais elle oscille entre la haine persistante et un apaisement sur suggère l’écriture, moins mordante, moins incisive.


Le poids d’une enfance qui oscille entre angoisse et émerveillement constitue le coeur de ce roman sombre et fort. 


379 pages Fayard 17 Août 2022









Il me tient par le menton et j'ai peur de mourir. 

Gérard a posé son pouce sur ma mandibule, son index et la tranche de son majeur dans le creux de ma gorge. Il tient mon os avec trois doigts robustes quand, en retour, j'ai posé ma main contre sa mâchoire carrée la serrant de toutes mes forces pour qu'elle ne m'échappe jamais. Dans un western familial improvisé nous nous tenons face à face, assis à la table de la cuisine, à explorer le noir commun de nos yeux


*


Les quelques parents endeuillés que j'ai connu ou écouté parler, le disent tous. C'est le silence de leurs proches qui, après le décès de leurs enfants, les a le plus marqués. Personne n’osait poser des questions sur cette mort, rebondir, rétorquer.


*


J'ai longtemps pensé que ce que me cachait mon père était en rapport avec ses enfants d'avant. Longtemps cru que c'était de cela qu'il se sentait coupable. D'avoir supprimé sa famille. Coupable d'avoir perdu ses petits, de n’en avoir pas pris davantage soin. Je me figurais dans cette manière d'avoir pulvérisé le foyer, quelque goût de l’aventure.

 Sans tout à fait me l'avouer je fantasmais un courage dans cet accident tragique. 

Une majesté dans le drame. 

Puis un jour j'ai compris que ce n'était pas ça.







Blandine Rinkel est romancière et musicienne. Elle est née en 1991.

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